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J   H-N Journées archéologiques régionales organisées par – le Centre de recherches archéologiques de Haute-Normandie, Société normande d’études préhistoriques et historiques Hôtel des sociétés savantes - 190 rue Beauvoisine 76000 Rouen – la Direction régionale des affaires culturelles de Haute-Normandie, Service régional de l’archéologie 7 place de la Madeleine 76000 Rouen Ouvrage publié par la Direction régionale des affaires culturelles de Haute-Normandie, service régional de l’archéologie Directeur de la publication : Luc L, directeur régional des affaires culturelles de Haute-Normandie Textes réunis par Marie-Clotilde L, conservateur en chef du patrimoine Comité de lecture : Florence C, Laurence E-E, Éric F, Olivier K, Marie-Clotilde L, Dominique P Mise en pages : Sandra L Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction, sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays. © Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013 Rue Lavoisier 76821 Mont-Saint-Aignan C www.univ-rouen.fr/purh ISBN : 978-2-87775-595-5 J   H-N R, -   P   R   H Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012 Préface Chaque année, les journées archéologiques de Haute-Normandie permettent la rencontre des différents acteurs de la recherche régionale, qu’ils soient professionnels ou bénévoles, et la restitution au public des récents travaux et opérations de terrain. Organisées par le ministère de la Culture et de la Communication – direction régionale des Affaires culturelles de Haute-Normandie, service régional de l’Archéologie, et le Centre de recherches archéologiques de Haute-Normandie (CRAHN), avec la collaboration du Conseil général de Seine-Maritime, elles se sont déroulées les 11 et 12 mai 2012 à l’Hôtel des sociétés savantes de Rouen. Les visites commentées du théâtre de Lillebonne, puis de l’abbaye de Jumièges les ont conclues le 13 mai. Cinq thèmes ont été retenus par les organisateurs : la Seine, axe de circulation et d’échanges comme l’atteste le port antique d’Aizier, et pôle d’attraction pour les sociétés humaines depuis la préhistoire ainsi qu’en témoignent les sites du mont Enot à Saint-Pierre-lès-Elbeuf et d’Alizay ; voir et percevoir, sujet qui a l’avantage de mettre en perspective l’histoire de la discipline, depuis les archéologues normands du XIXe siècle aux nouvelles technologies comme la télédétection par laser aéroporté (LIDAR), sans oublier la prospection aérienne classique ; le quotidien, abordé traditionnellement par l’habitat – protohistorique à Louviers, antique à Eu ou « l’Aubue » au Vieil-Évreux – mais aussi par les productions spécialisées, telle la faïencerie Decaën à Harfleur ; le monumental, pour lequel le grand sanctuaire et le théâtre antiques du Vieil-Évreux, le théâtre de Lillebonne sont des sites emblématiques, auxquels il convient d’ajouter les vestiges médiévaux de la tour d’entrée du château de Philippe Auguste à Rouen et du rempart d’Harfleur ; le spirituel, d’ailleurs non sans lien avec le thème précédent, si l’on en juge par le sanctuaire de l’Antiquité tardive du « Chemin-auxErrants » à Val-de-Reuil et les abbayes de Mortemer et Saint-Taurin d’Évreux, qui viennent rappeler ici que l’archéologie ne se limite pas aux traces enfouies mais concerne aussi les vestiges en élévation par l’étude du bâti. Au total ce sont vingt-trois contributions qui sont venues démontrer la vitalité de la recherche archéologique en Haute-Normandie. Celle-ci est favorisée par la pluralité des chercheurs, en archéologie programmée comme préventive, issus d’horizons variés : associations, universités, INRAP, collectivités (MADE, département de Seine-Maritime), structures de droit privé et bien sûr service régional de l’Archéologie. Ce dynamisme se concrétise également par la publication récente de monographies, comme celle du site paléolithique final du Buhot à Calleville, et de synthèses régionales, comme celle consacrée au haut Moyen Âge en Haute-Normandie1. Que les intervenants et organisateurs soient remerciés pour leur contribution à la réussite de ces rencontres, avec une intention particulière pour Marie-Clotilde Lequoy dont l’important travail éditorial permet que le lecteur dispose de cet ouvrage lors des journées archéologiques régionales de 2013, journées qui contribuent particulièrement à une des missions du ministère de la Culture et de la Communication : la diffusion des connaissances dans le domaine de la recherche et du patrimoine. Luc LIOGIER, Directeur régional des Affaires culturelles 1 7 Miguel Biard et Stéphan Hinguant (dir.), Le bivouac préhistorique du Buhot à Calleville (Eure). Caractérisation d’un assemblage lithique laminolamellaire de la fin du Paléolithique supérieur, Paris, CNRS éditions – INRAP), « Recherches archéologiques, 2 », 2011, 158 p, 137 fig, 13 pl. ; Florence Carré (dir.), L’archéologie en Haute-Normandie. Bilan des connaissances. T.  : Le haut Moyen Âge, Rouen, PURH, 2011, 207 p,, 91 fig. Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé) Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012 Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé, Seine-Maritime) Fouille d’un quartier d’habitat d’époque julio-claudienne La campagne 2011 a permis de remonter les origines de Briga vers 10 avant notre ère, en attestant une étendue de l’agglomération sur environ 4 ha pour la période julio-claudiennne. Le sanctuaire et l’habitat, dèjà fortement romanisés, sont ceinturés par un fossé, une palissade et un talus. La zone d’habitat est délaissée vers 60-70 de notre ère pour être transformée en « place publique » enserrée par un mur d’enceinte. La bourgade se développe ensuite à sa périphérie, encore vierge d’occupation semble-t-il. Going back to the origins of the ancient site in Briga (Eu, Bois-l’Abbé, Seine-Maritime département) The 2011 studies dated the origins of Briga to around 10 BC, after confirming that a section of the site of around 4 hectares belonged to the Julio-Claudian period. The sanctuary and living quarters, which were extremely Roman in style, are surrounded by a ditch, fence and a sloped wall. The living area was abandoned in around 60-70 AD and was transformed into a public area surrounded by a higher outer wall. The town then started to develop around the wall, although it seems to have been unoccupied. GAULE BELGIQUE, CATUSLUG ?, GALLOROMAIN, JULIOCLAUDIEN, FLAVIENS, BASILIQUE, TEMPLE, FANUM, PORTIQUE, DÉPOTS VOTIFS, ARMEMENT, ENCEINTE FOSSOYÉE, VILLAGE FORTIFIÉ, ÉMISSION MONÉTAIRE, ENDUITS PEINTS, GRAFFITIS. Objectif de la campagne de fouille  Étienne M1, Stéphane D Avec une contribution de Pierre-Manuel W. Situé sur la frange littorale de la Manche, quelques kilomètres en retrait de la côte, le site du Bois-l’Abbé à Eu correspond à une bourgade antique qui couvre, dans l’état actuel des connaissances, une cinquantaine d’hectares (fig. 1). Elle relevait durant le HautEmpire romain de la province de Gaule belgique, probablement rattachée au territoire de la cité des Bellovaques (ou à celui des Ambiens), à proximité de la frontière entre Belgique et Lyonnaise ; il paraît assez vraisemblable d’y voir le chef-lieu d’une des subdivisions de la cité (Mangard, 1982), le pagus Catuslou(gus), mentionné sur place sur plusieurs inscriptions dédicatoires. Des sondages (2002-2005) puis une campagne pluriannuelle de fouilles programmées (2006-2009) ont permis d’élargir le plan et de revisiter le phasage du centre monumental. Ce dernier, dans son état final du e siècle, comprend un temple gréco-romain encadré d’un portique le long duquel s’égrène une série de fana, une basilique et des bâtiments publics dont la nature reste conjecturale ; l’ensemble de ces monuments est groupé de manière à dominer une place publique. Depuis 2010, la fouille vise à mettre en évidence l’existence réelle d’une agglomération autour de ces monuments publics. La première année a porté sur une série de sondages assez étendus au nord et au nord-est du centre monumental (Mantel, Dubois, 2012) : ils ont permis de découvrir les premiers segments de rues, et de dégager partiellement plusieurs maisons dont la fonction d’habitation paraît bien établie 2. Le développement de ce quartier a pu être daté par le mobilier, recueilli en grande quantité, entre le dernier tiers du er et le troisième quart du e siècle. Un autre quartier, au sud du théâtre, a été sondé par le service archéologique municipal de la ville d’Eu ; il comprend des petits thermes et une maison privée, dont l’occupation s’étend également entre l’époque flavienne et la seconde partie du e siècle. Il semble donc, en l’état actuel des connaissances, que le développement de l’agglomération proprement dite ne soit pas antérieur aux dernières décennies du er siècle. La nature de l’occupation du Bois-l’Abbé avant cette date pose donc question. Les divers sondages menés par ailleurs dans la clairière, hors des abords du centre monumental, présentent des vestiges antiques qui apparaissent, au plus tôt, à l’époque flavienne. Il semble donc que l’agglomération au sens strict ne se développe réellement qu’à cette 1 Responsable de l’opération. Les auteurs remercient ici l’ensemble des bénévoles qui ont participé à l’opération, 86 personnes au total, qui se sont relayées durant les deux mois et demi de la campagne de fouilles 2011. 2 Une large fouille en aire ouverte, durant l’été 2012, a amplement confirmé les premiers acquis de ces sondages, mettant en évidence un quartier organisé en îlots irréguliers, délimités par des rues qui par endroits sont bordées de trottoirs et de caniveaux. Cette organisation de type urbain semble remonter aux années 60/70 de notre ère. 125 Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé) Fig. 1. Plan de l’ensemble des vestiges antiques mis au jour lors des campagnes de fouilles et sondages réalisés entre 1965 et 2011 et périmètre classé au titre des Monuments historiques (dir. : É. Mantel ; DAO : L. Cholet). 126 Antiquité Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012 période. Comment se présentait, dans ces conditions, l’occupation antérieure d’époque gauloise et julio-claudienne ? En effet, la fouille du sanctuaire a montré le démarrage des pratiques cultuelles dès l’époque gauloise, probablement au cours du e siècle avant notre ère. Pour ce que l’on en perçoit, la pratique des dépôts votifs connaît son apogée durant l’époque julio-claudienne, entre les principats d’Auguste et de Néron, avec des dépôts qui se comptent par milliers (monnaies, objets de parure et de toilettes, pièces d’armement et de fourniment, objets divers liés à l’écriture, au harnachement, à l’équipement domestique, etc.). Le site se limitait-il, alors, à cette période à ce sanctuaire très fréquenté ? Pour répondre à cette question, une vaste fenêtre de fouille a été ouverte au sud de la basilique, où des sondages de reconnaissance les années passées avaient livré les traces fugaces de petits bâtiments mêlés à du mobilier gallo-romain précoce. L’hypothèse d’un petit hameau voisinant le sanctuaire était envisagée ; la présence d’une occupation à caractère militaire était également supposée, sur la base de plusieurs centaines de pièces d’armement et de fourniment déposées dans le sanctuaire (fig. 2). On reconnaît, parmi l’échantillon de ce mobilier présenté sur la planche, des éléments de cuirasse segmentée (lorica segmentata), tels que charnière et boucles ; des attaches de ceinture typiquement militaires (cingulum, ainsi qu’un rivet de tablier) ; divers éléments de glaive (pommeau, poignée, garde, bouterolle et barrette de suspension de fourreau), enfin un bouton d’attache de poignard (button-loop). Ces éléments désignent l’infanterie romaine, mais des éléments liés à la cavalerie ont également été mis au jour (fragments d’épées longues et fers de lances par dizaines, éléments de buffleterie et applique décoratives de harnais notamment). De la même manière (et peut-être en lien avec cette présence militaire), l’existence sur place d’un centre de pouvoir politique peut être déduite de la frappe sur place (Delestrée, 1984) de petites monnaies de bronze (quadrans ?) à l’effigie d’un dénommé Viricius (fig. 3). La campagne de fouilles 2011 a bel et bien confirmé l’existence d’une occupation julio-claudienne en dehors du sanctuaire. La définir reste prématuré, mais il est évident qu’il faut aujourd’hui envisager une nouvelle hypothèse pour servir de cadre aux investigations à venir sur les origines de l’agglomération. Fig. 2. Éléments de fourniment et d’armement gallo-romains (dessins : É. Mantel). Fig. 3. Monnaie gauloise en bronze à la légende Viricius (DT 505) D/R (cliché : D. Viennot). Une enceinte fossoyée L’existence d’un enclos au sud du centre monumental est connue depuis 1962, grâce à une photographie aérienne de feu R. Agache, qui montre clairement en micro-reliefs trois des côtés d’une enceinte délimitée par une levée de terre, avec ce qui semble être une entrée en clavicule (fig. 4). Cette particularité a conduit le photographe à conclure à l’existence d’une petite fortification militaire romaine. 127 Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé) Fig. 4. Vue aérienne du site du Bois-l’Abbé en 1962 ; la lumière rasante fait apparaître un micro-relief quadrangulaire interprété comme un retranchement (cliché : R. Agache). La levée de terre est encore aujourd’hui perceptible au sol dans ce secteur, et un levé micro-topographique réalisé de 2010 à 2012 par Richard Jonvel (Univarchéo) l’a bien mis en évidence (fig. 5). Seuls trois côtés de la levée de terre sont conservés, la partie septentrionale ayant probablement été ara- Antiquité sée par les aménagements successifs du sanctuaire puis du centre monumental, à partir de la seconde moitié du er siècle. Le tracé s’avère plus étendu et plus complexe que ce que montrait le cliché aérien, notamment du côté ouest, qui présente un décrochement en baïonnette. On peut d’ores et déjà exclure un simple plan quadrangulaire. Retrouver le tracé septentrional est donc un enjeu important pour la compréhension de la structuration du site à l’époque julio-claudienne. Un creusement observé en forêt en 2007 dans la tranchée de sondage 1, derrière le sanctuaire, nous semble pouvoir appartenir à cet ensemble. De même au nord du temple, divers indices laissaient soupçonner l’existence d’un fossé sous l’amas de silex St. 1, supposition qui en 2011 restait hautement hypothétique pour le tracé de la limite dans ce secteur. D’aussi fragiles conjectures n’étaient pas admissibles sans vérification, aussi, dès le début de la campagne 20123, une série de sondages mécaniques a-t-elle été ouverte à travers la St. 1. L’existence d’un puis- levée de terre enclos Fig. 5. Levé microtopographique faisant nettement apparaître un relief spécifique (levée de terre) en contrebas du centre monumental et mettant en exergue la terrasse sur laquelle est implanté ce dernier – on remarque l’implantation du fanum 7 à l’angle nord-est de cette terrasse (dir. : É. Mantel ; relevé : R. Jonvel, Univarchéo). fanum 7 N relevé: R. Jonvel dir. : E. Mantel 0 50 m Fig. 5 : Levé micro topographique faisant nettement apparaître un relief spécifique (levée de terre) en contrebas du complexe 3 Le présent ouvrage est plutôt consacré à l’activité archéologique de 2011, mais il nous paraît indispensable ici d’aborder ponctuellement les résultats de la campagne 2012, cette opération de sondages découlant directement des hypothèses de travail ébauchées l’an dernier. 128 Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012 SANCTUAIRE ? ? ? Fig. 6. Plan de l’enceinte avec ses structures internes de la phase 3 (dir. : É. Mantel ; DAO : S. Dubois). HABITAT dépotoir secondaire de "terre noire" N voie ? DAO S. Dubois dir. E. Mantel 0 35 m Phase 3 : avant 60 apr. J.-C. Fig. 6 : Plan de l'enceinte avec ses structures internes de la phase 3 sant fossé a ainsi été confirmé, et son tracé suivi sur environ 90 m ; l’amorce d’une courbe très marquée dans le dernier sondage entérine un tracé qui enserre la zone cultuelle dans une section curviligne. L’enceinte se dessine donc beaucoup mieux, même s’il subsiste encore des interrogations pour certains tronçons. Elle engloberait d’après ce que l’on en perçoit actuellement une surface de l’ordre d’un peu plus de 4 ha, avec une partie méridionale rectangulaire, et une partie septentrionale irrégulière qui englobe (exclusivement ?) le sanctuaire (fig. 6). Sans doute faut-il envisager l’existence d’une partition interne qui isole la zone cultuelle, mais cette limite, pour l’heure, n’a pas été mise en évidence ; en vérifier l’existence constituera un des nombreux axes des travaux à venir. Un sondage dans l’angle sud-est de l’enceinte en 1996 avait montré l’existence, en avant de la levée de terre, de ce même large fossé à profil en V (ouverture : 2,80 m ; profondeur : environ 1,20 m), fossé précédé d’un petit creusement (trou de poteau ?). Pour une raison qui nous échappe, les résultats de ce sondage amenaient l’auteur du rapport à exclure de façon péremptoire une fonction défensive à cette enceinte (Cholet, 1996). Nombre de cas- tellae romains présentent pourtant des caractères similaires, tant par le profil que par les dimensions de la fossa. Une nouvelle série de sondages a été réalisée en 2011 et 2012 sur la face nord-est de l’enceinte et son fossé (dénommé XC dans la nomenclature de la fouille), afin d’en confirmer la réalité archéologique et d’en suivre le tracé. Il est désormais suivi par tronçons sur plus de 220 m de longueur, en linéaire, sur le côté nord-est, et suit effectivement le tracé de la levée de terre, confirmant le lien entre les deux structures. Trois nouvelles coupes réalisées dans ce fossé XC montrent un profil sensiblement comparable à celui observé en 1996, avec une section en V plus abrupte du côté interne que vers l’extérieur, et des dimensions de l’ordre de 2,80 à 3,50 m à l’ouverture pour une profondeur conservée selon les sondages de 1,20 m à 1,80 m (fig. 7). Les terres de creusement ont été rejetées vers l’intérieur pour former la levée de terre ; à la base de ce talus, dans le sondage 10, ont été trouvés deux bronzes gaulois dont un quadrans à l’effigie de Germanus Indulli l., qui fixe la construction de l’enceinte postérieurement ou autour de 10 avant notre ère. Entre le fossé et 129 Antiquité Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé) Fig. 7. Fossé XC, coupe EF au niveau de l’angle sudest de la salle du conseil (relevé : M. Delezenne, B. Delval, S. Lafargue ; DAO : A. Bourgois). le talus, sur une courte section fouillée de quelques mètres, ont été observés trois trous de poteau qui s’ajoutent à celui visible sur la coupe de 1996. Dans l’attente d’une observation plus étendue de ces traces supposées de palissade, la restitution actuellement envisagée serait un système fortifié « à la romaine », associant un puissant fossé et une palissade contre laquelle venait buter le talus, à l’intérieur (fossa, vallum et agger). Les constructions internes à l’enceinte La fenêtre et les tranchées de reconnaissance ouvertes en 2011 à l’intérieur de cette enceinte ont mis en évidence une série de petites constructions sommaires sur soubassements de silex. Plusieurs autres bâtiments de même nature, fouillés antérieurement aux abords du sanctuaire, peuvent leur être associés, ébauchant ainsi le plan d’un quartier d’habitat julio-claudien inclus dans l’enceinte, au voisinage nord et sud-est du sanctuaire (fig. 8). Deux types de bâtiments peuvent être distingués (fig. ) Les constructions rectangulaires maçonnées Le premier groupe ne s’est actuellement rencontré qu’aux abords immédiats de la zone de dépôts votifs, et correspond à de longues constructions très étroites (environ 2 m de large à l’intérieur), sans cloisonnement interne. Outre leur plan, les trois édifices de ce groupe (espaces Xbis, XXIII et XXXIII) se distinguent de la deuxième série de bâtiments par un mode de construction plus soigné. Les soubassements sont en effet ici maçonnés, en rognons de 130 silex liés au mortier, et des restes d’enduits peints en bas de mur témoignent pour le bâtiment XXIII d’une décoration des parois internes. L’étroitesse de la largeur rend improbable une fonction d’habitat ; on notera en outre la présence d’un bâtiment de même type sur le sanctuaire de Fesques, là aussi aux abords immédiats de la zone cultuelle (Mantel, 1997). Ces différents éléments nous conduisent à y voir plutôt, sous toute réserve, des constructions à caractère public annexes au lieu de culte. Tous sont édifiés sur le niveau des « terres noires » et recoupés par les constructions plus récentes ; quoiqu’ils appartiennent à un même état stratigraphique, aucun élément ne permet de savoir s’ils étaient contemporains ou s’ils se sont succédé sur le site. Bâtiment X bis Construction longue de 8,10 m pour une largeur restituée de 2,90 m en œuvre. La pièce unique ainsi délimitée mesure 7,35 m sur 1,80 m, soit une superficie au sol légèrement supérieure à 13 m². Les soubassements de murs sont constitués de deux parements de rognons de silex liés au mortier de chaux, et larges seulement de 0,35 m. Bâtiment XXIII Long de 14 m, le bâtiment XXIII est large en œuvre de 3,52 m, ses murs délimitant une pièce unique de 12,60 m par 2,25 m, soit 28 m² environ. Il ne subsiste que les soubassements des murs, larges de 0,70 m, et composés de deux parements de silex liés au mortier de chaux, avec un blocage interne en petits rognons et en tuiles. Le sol interne sans aménagement apparent, illisible sur le niveau des « terres noires », était couvert d’une couche de démolition Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012 Fig. 8. Plan du centre monumental et des habitats précoces. État de la recherche fin 2011 (dir. : É. Mantel ; DAO : A. Bourgois). 131 Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé) Antiquité Fig. 9. Vue synoptique des bâtiments actuellement connus pour la phase 3 – époque julio-claudienne (DAO : S. Dubois). Fig. 10. Hypothèse de restitution des parois de l’édicule XXIII (DAO : P.-M. Weill). incluant sur tout le pourtour des restes de peintures murales, dont subsistaient par endroits quelques centimètres en place en bas de murs. Les enduits peints du bâtiment XXIII (P.-M. Weill) ? 0 50 cm ? P M W N Bl N N N N N Bl N N V Bl Vf N V Vf Vf 10 cm 0 20 cm 0 V V V P M W V Bl Bl V V Bl V V Bl Bl V 0 10 cm P M W Fig. 10 : Hypothèse de restitution des parois de l'édicule XXIII, fragments et dessins. (DAO-photos P.-M.Weill) 132 L’édicule des espaces VI et XXIII a fourni, dans son remblai de démolition, les restes fragmentés de sa décoration intérieure, dont les dimensions exactes ne sont pas connues. Il s’agit d’une plinthe à fond blanc et mouchetis noir et rouge, dont quelques maigres éléments étaient encore en place sur le mur ouest. Séparés de la zone basse par une grande bande noire, le décor se compose de panneaux à triple filets d’encadrement (vert/rouge, bordeaux/ vert) et filet intérieur noir avec points dans les diagonales. L’un de ces panneaux reçoit en son centre une ligne de sol verte avec feuillage à son extrémité. Cette décoration représente un paysage avec scène (mythologique, chasse, idyllico-sacré, etc.). De petits inter-panneaux à filets d’encadrement, identiques aux panneaux, présentent de grandes tiges noires alternativement décorées de sept et trois feuilles vertes et vert foncé (fig. 10). Plusieurs « mains » sont reconnaissables dans l’exécution des décors, qui sont parfois réalisés avec finesse. La zone haute n’est pas restituable, mais il est probable d’y retrouver la grande bande noire que l’on imagine encadrer de manière générale cette composition. Il faut noter la présence de quelques graffitis, dont un fragment montre la présence par quelques lettres, de deux lignes de texte : ]MOCP[ sur la première et ]HI[ sur la seconde. Le fond blanc est très courant durant la période gallo-romaine. On le rencontre notamment à Lyon, au sanctuaire de Cybèle (ou prétoire d’Agrippa), Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012 qui par ailleurs présente lui aussi, comme le bâtiment des espaces VI et XXIII, des filets triples (ocre jaune/noir/ocre jaune), délimitant un panneau décoré en son centre par une scène nilotique. Celle-ci est encadrée par des touffes de feuillages, tandis que les figures prennent place sur une ligne de sol verte. Daté de l’époque augustéenne, ce décor, tout comme celui du Bois l’Abbé, s’inscrit dans la lignée du troisième style. Une datation remontant à la période julio-claudienne est envisageable pour la décoration de cet édicule. Bâtiment XXXIII Ses dimensions sont sensiblement similaires à celles du bâtiment précédent (14,50 m sur 3,50 m) et délimitent selon le même principe une pièce rectangulaire unique de 12,60 m par 2,28 m, soit 29 m² environ au sol. Comme l’édifice précédent également, ses soubassements étaient constitués de parements de silex avec blocage interne, larges de 0,72 m, liés au mortier de chaux. Le blocage comporte de petits fragments de peinture murale, reste de panneaux de couleur rouge, verte et noire. Des bâtiments aux plans variés sur soubassements montés à sec L’autre groupe de bâtiments présente un mode de construction nettement plus sommaire. Les soubassements de silex sont simplement montés à sec, et la largeur des murs se réduit à celle des deux parements accolés, soit 0,30 à 0,45 m. Ces solins se limitent, dans la plupart des cas, à un unique rang de rognons de silex, ce qui explique la disparition définitive d’une partie des constructions, dont ne subsiste, dans certains cas, qu’un petit segment de mur (espace LXXXI bis) ou un angle formé par deux courts tronçons de murs (espaces XII, XLVII bis, XLIX bis). Le caractère fragile et fugace de ces ultimes vestiges de bâtiments a nécessité une adaptation de la méthode de fouilles : décapage mécanique très haut, nettoyage manuel long et minutieux, rendu complexe par l’ennoiement des structures dans un tapis de rognons de silex issu de l’épandage de la démolition. Ainsi, plusieurs bâtiments ne nous sont plus accessibles que de façon très partielle, et il faut sans doute envisager que d’autres aient pu être totalement éradiqués. Les unités mieux conservées offrent une certaine diversité de plans, qui présente comme point commun de se réduire à une pièce unique, et ont été bâties en matériaux légers (bois et torchis4) audessus des soubassements dégagés. Des toitures en chaume semblent également pouvoir être restituées pour l’ensemble de ces constructions, en l’absence de tuiles dans les matériaux de démolition. Bâtiment XII bis Situé au nord du sanctuaire, cette construction aux soubassements de murs épais de 0,45 m est constituée d’une unique petite pièce rectangulaire. En œuvre, elle mesure 4,92 m par 4,18 m, avec des dimensions internes de la pièce de 3,15 m par 3,75 m, soit au sol une superficie de 12 m² environ. Vers le centre subsistent les traces d’un foyer sommairement aménagé, une plaque d’argile ovale mêlée d’éclats de silex, rubéfiée par le feu. Aucun sol n’a été observé, le niveau supérieur des « terres noires » ayant sans doute servi de surface de circulation. Bâtiment CL Dégagée en 2011, la construction CL est enfouie sous les remblais de construction de la basilique. Le creusement des tranchées de fondation de la nef l’a partiellement oblitérée. Il n’en subsiste que trois côtés, formés par des soubassements en silex larges de 0,32 m, conservés au mieux sur quatre assises (mur sud : H = 0,35 m). La dernière assise de silex repose sur une assise de tuiles fragmentées, liées au mortier « maigre », et qui elles-mêmes sont posées sur deux niveaux de rognons de silex montés à sec. Le quatrième pan de mur doit être restitué sous le tracé de la fondation nord de la nef centrale, car il n’a pas été retrouvé de l’autre côté. Le plan au sol serait donc sensiblement carré, et de dimensions assez importantes : 7,90 à 8 m de côté, pour une superficie interne de la pièce de l’ordre de 52 m². Aucun aménagement interne ne subsiste, et aucun niveau de sol n’était perceptible. Bâtiment XLII Le bâtiment XLII présente un plan assez particulier, sous forme d’un rectangle avec une abside au sud, et un aménagement peu intelligible dans l’angle sud-ouest. Peut-être s’agit-il des vestiges d’une construction antérieure ? Les dimensions externes sont de 7,55 m par 5,65 m pour la partie quadrangulaire, avec un ajout d’1,30 à 4 Les rejets de démolition dans le fossé voisin XC comprennent dans un des sondages une épaisse couche de torchis brûlé qui porte les marques d’un clayonnage en bois, confirmant ainsi l’aspect de l’élévation. 133 Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé) 1,50 m sur la largeur pour l’abside. La pièce unique ainsi délimitée présente une surface au sol de l’ordre de 40 m². Les soubassements sont construits sans fondation et comportent un seul rang de rognons de silex disposés de manière à former deux parements, sans blocage interne. Les angles sont renforcés par des rognons de silex de gros module, destinés à soutenir les poteaux de l’ossature en bois. Aucun aménagement de sol n’est perceptible, il s’agissait manifestement d’un sol en terre reposant sur le terrain naturel. Deux foyers installés à même ce sol ont été dégagés. Le premier est implanté à l’entrée de l’abside, et présente, sous une chape d’argile rubéfiée, un radier constitué de deux gros fragments d’une curieuse meule (ou d’un mortier ?) en grès; l’autre est légèrement décentré à l’intérieur de la pièce, et repose sur un radier formé de tessons de dolium. Antiquité St.  du sondage  Une tranchée de reconnaissance dite « sondage 12 » a été ouverte mécaniquement à une quarantaine de mètres au sud de la zone dense où ont été fouillés les bâtiments XLII, XLIX bis, XLVII bis et les traces d’autres constructions en grande partie oblitérées. Il s’agissait d’évaluer l’extension du quartier d’habitation mis au jour au sud de la basilique. En bordure de la tranchée ont été observés les soubassements de deux nouveaux bâtiments (nommés provisoirement St. 2 et St. 5) construits selon les mêmes principes : rognons de silex assemblés à sec, en deux parements accolés, et conservés sur un seul rang. Seul le plan du bâtiment St. 5 peut être partiellement appréhendé, au moins par la mesure de l’une des façades : 4 m en œuvre, avec une pièce qui semble légèrement trapézoïdale d’un peu moins de 3 m de large. Bâtiment XLVII bis Il s’agit ici de restes arasés d’une construction rectangulaire tronquée au sud par un drain du e siècle. Elle est conservée en longueur sur 5,70 m (sans doute sur environ 6,50 m à l’origine) pour une largeur totale de 3,10 m ; la largeur de la pièce au sol est de 2,45 m pour une longueur minimale de 4,25 m. Cette pièce unique, qui pouvait couvrir à l’origine environ 15 m², a livré sur 2 m² les restes d’un aménagement de sol, sous forme d’un radier de petits rognons de silex. Bâtiment LXXXVI bis Quelques mètres au sud de ce bâtiment ont été dégagés, en limite de décapage, les ultimes vestiges d’une autre construction, sous forme de deux segments de murs parallèles. Il s’agit là encore de soubassements en rognons de silex, cette fois disposés en ligne comme un radier linéaire non appareillé. Dans l’attente d’une extension de la fouille, seule la largeur peut en être appréhendée (4,20 m). Bâtiment XLIX bis De cette construction ne restait, en place, qu’un angle formé par deux soubassements de mur formant un L, conservés l’un sur 1,85 m de long, l’autre sur 3,58 m. À l’intérieur subsistaient quelques mètres carrés d’un sol aménagé sous forme d’un radier, là encore en petits rognons de silex. Sur celui-ci était aménagé, près du mur, un foyer circulaire formé d’une chape d’argile rubéfiée qui reposait sur un radier de silex. 134 Interprétation La présence d’un foyer dans plusieurs constructions, l’abondance du mobilier domestique (vaisselle de table et de cuisine, récipients de transport et de stockage des aliments, faune, fragment de meule en grès), rendent des plus vraisemblables l’identification de la plupart de ces constructions à des unités d’habitation. Le bâtiment XII bis notamment, par son plan et son foyer central, est comparable aux bâtiments d’habitation augusto-tibériens de la villa de Famechon dans la Somme (Collart, 1996, fig. 12). Le bâtiment CL fait peut-être exception, par ses dimensions plus importantes ; on se gardera pour l’heure de lui assigner une fonction d’habitat : comme pour les longs bâtiments rectangulaires XXIII et XXXIII, on ne peut exclure ici une fonction publique. Tous sont localisés aux abords du sanctuaire gallo-romain précoce, sur le devant, à l’extérieur du péribole ; ce lien géographique avec le sanctuaire pourrait orienter les recherches vers la mise en évidence d’un lien fonctionnel. Aucun atelier n’a actuellement été identifié en tant que tel, mais des traces indirectes témoignent de la présence d’artisans sur le site à cette époque. Le travail du plomb a ainsi été mis en évidence par la découverte, parmi les rejets dans le fossé XC, d’une grande jatte à profil en S réoxydée par le passage au feu, et qui porte, sur le fond, un dépôt de résidus plombifères, ainsi que des coulures en divers points des parois internes et externes (fig. 11). De même, une série assez conséquente de céramiques déformées à la cuisson a été découverte dans ces contextes. Il s’agit de jattes à bord rentrant et de Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012 Fig. 11. Creuset de plumbarius provenant du comblement du fossé XC bis (DAO : S. Dubois). Fig. 12. Ratés de cuisson en céramique commune de production locale : fissure et enfoncement sur jatte, fortes déformations sur un fond et un col de pot (clichés : S. Dubois). pots à col concave, en céramique commune grise calcaire (groupe 13 du nord de la Seine-Maritime), qui portent les stigmates de défauts de cuisson important : déformation du col et de la panse, enfoncements, fissures, grésage partiel. Ces premiers éléments nous conduisent à envisager la présence à proximité d’un centre de production céramique dès l’époque augusto-tibérienne (fig. 12). L’étude du mobilier de prospections pédestres aux alentours montre une diffusion micro-régionale pour ce groupe, avec une présence très affirmée dans un rayon d’une quinzaine de kilomètres (fig. 13). On soulignera enfin que, pour l’heure, aucune trace d’habitat julio-claudien n’a été observée en dehors de l’enceinte : cette remarque vaut pour l’aire ouverte en 2012 sur un tiers d’hectare au nord-est du sanctuaire, pour le sondage 6 au nord du sanctuaire, pour les secteurs du théâtre, des petits thermes et de l’habitat fouillé à proximité, ainsi que pour les micro-sondages épars sur le site. L’enceinte polygonale semble donc bien marquer la limite de la zone occupée à cette période. Premier aperçu du mobilier domestique julio-claudien L’aire ouverte au sud de la basilique, les tranchées de reconnaissance 10, 12 et 13, et le comblement médian du fossé d’enceinte XC ont livré une quantité importante de mobilier domestique, qui permet une première appréciation du mode de vie sur le site entre l’époque augustéenne et le principat de Néron. Aucune stratification n’a malheureusement pu être observée dans ce quartier d’habitation, la couche archéologique se limitant à un unique horizon de terre organique, peu épais, entre le terrain naturel et la couche végétale. MORINI Oceanus Britannicus (La Manche) ATREBAT TREB BRIGA : atelier présumé MBIANI AMBIANI Catuslugi ? VIROMA VIROM CALETI Fig. 13. Carte de diffusion des productions présumées du Bois-l’Abbé groupe 13 (époque julio-claudienne au début IIe siècle) (DAO : S. Dubois). BE BEL BELL BELLO ELLOVACI ACI BELLOVACI VELIOCASSES VELIO VELIOCA VEL VE LIOCASSE ASSES LEXOVII Sulbanecti Sulbane Sulbanect SVESS Il semble qu’en phase d’abandon du quartier, les constructions aient été délibérément rasées ; les matériaux de construction et dépotoirs auraient alors été épandus sur place pour niveler le terrain et combler les deux premiers tiers du fossé d’enceinte. Cette destruction volontaire est actuellement datée des années 60-70/80 de notre ère, d’après les éléments les plus récents trouvés parmi ce mobilier. L’épandage de ces déblais a entrainé un mélange, que traduit bien la découverte dans les mêmes unités stratigraphiques d’éléments clairement augustéens avec du mobilier claudio-néronien. La vaisselle et les amphores (fig. 14) témoignent d’emblée d’un faciès singulièrement riche et varié, avec un caractère romain bien marqué, et ce dès l’époque augustéenne. La seconde partie de l’époque augustéenne compte ainsi une petite série de sigillées de tradition arétine, à laquelle il faut ajouter quelques éléments d’amphores italiques Dressel 1 (pâtes de type Eumachi, pâte étrusque). Les décennies suivantes comprennent de nombreuses sigillées de La Graufesenque, avec notamment les formes 135 Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé) Antiquité Sigillées italiques et lyonnaises 2011 2-81-03 2011 2-80-03 2011 2-XC-08 Sd 40 2011 2-81-05 2011 - 2-2-119 2011 2-54-01 2011 2-87-01 Sigillées précoce de La Graufesenque Sigillées "de mode A" à enduit lie-de-vin 2010 2-39-05 2011 - 2-2-119 Céramique fine moulée de La Graufesenque Fig. 14. Échantillon de l’équipement domestique de l’habitat julioclaudien : quelques marqueurs de haut statut (dessins : S. Dubois, P. Famin, G. Rousselot). 2010 2-52-02 2011 2-47-01 Lampe à huile lyonnaise Céramique engobée de Lyon 2010 - 2-39-05 2009 - 2-32-01 2010 - 2-39-06 Terra nigra de Gaule Centrale 2010 - 2-39-06 Amphore vinaire grecque Amphores vinaires italiques 2012 - XCbis-Cp6-05 2011 - 2-42-05 2011 2-80-03 2011 - 2-42-05 2010 - 2-49-05 0 5 cm sauf estampille et lampe au 1 : 1 136 2010 - 2-49-05 2011 2-81-03 Fig. 14 : Echantillon de l'équipement domestique de l'habitat julio-claudien : quelques marqueurs de haut statut (dessins S. Dubois, P. Famin, G. Rousselot) Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012 du répertoire initial, lisse et moulé (Drag. 29a et un même un tesson de calice Drag. 11, rarissime dans la région). Différentes céramiques importées sont également attestées : coupes et gobelets sablés engobés de Lyon, gobelets sablés de Gaule centrale, glaçurées plombifères, ainsi que de belles séries de plats et de coupes « gallo-belges » champenois et arvernes. Le mobilier amphorique témoigne également d’un haut statut et d’une adoption des pratiques alimentaires d’origine méditerranéenne : on rencontre ainsi des amphores à huile espagnoles, et des conteneurs à vin italique (Dressel 2/4) et probablement grec (tessons d’amphore rhodienne ?). Signalons enfin les restes d’une lampe à huile engobée, de provenance sans doute lyonnaise. Ce faciès dénote dans le contexte régional, par sa variété et son degré de romanisation : les fouilles et prospections menées dans le nord de la SeineMaritime montrent en général, au moins jusqu’au milieu du er siècle de notre ère, un mobilier au caractère nettement plus traditionnel. Des équivalents au mobilier du Bois-l’Abbé ne se rencontrent dans le nord de la Gaule que sur des sites de haut rang : en milieu urbain (Amiens, Bavay par exemple), sur des sites ruraux à caractère aristocratique (Noyon, Ablaincourt-Pressoir, Morvilliers-Saint-Saturnin), voire sur les implantations militaires du limes rhénan. Bilan des connaissances sur Briga julio-claudienne La campagne 2011 a remis en question la compréhension que nous avions des débuts de l’agglomération du Bois-l’Abbé. Il était jusqu’alors envisagé que le sanctuaire constituait à l’origine le cœur d’un site d’envergure spatiale assez limitée, avec quelques constructions aux abords constituant un hameau doté dès cette époque de quelques prérogatives administratives (émission monétaire à caractère micro-régional, présence présumée d’une petite unité militaire notamment). Une nouvelle image se dessine désormais, assez éloignée de cette hypothèse initiale. L’occupation julioclaudienne, à partir du milieu de l’époque augustéenne, se présenterait en effet comme un site déjà étendu, couvrant environ 4 ha, et déjà très structuré : un secteur à vocation cultuelle avec la zone de dépôts votifs et quelques bâtiments annexes, et des zones vouées à des structures d’habitat et d’artisanat, modestes au plan architectural, mais forte- ment romanisées à travers leur mobilier domestique. Sanctuaire et habitat sont manifestement enserrés dans un système défensif conçu « à la romaine », avec un large fossé qui ceinture une levée de terre palissadée accessible au moins par une entrée en clavicule. Actuellement seul un quart de la surface interne a été fouillé (et les recherches ont surtout porté sur la zone cultuelle). De même, seuls quelques tronçons de l’enceinte ont été reconnus. L’image qui se dessine reste donc à confirmer et à nuancer, mais on peut envisager comme hypothèse de travail l’existence, entre la dernière décennie avant notre ère et les années 60-70/80, d’un « village fortifié ». Il est difficile de proposer des comparaisons pour ce type d’habitat au début de l’époque gallo-romaine. Il semble toutefois que l’agglomération antique lingonne de Mirebeau-sur-Bèze ait pu présenter, dans sa phase initiale, un aspect assez similaire : là également un réseau de fortifications de type romain englobe le sanctuaire local d’origine gauloise et un quartier d’habitations et d’artisanat (atelier de potier), avec une zone isolée réservée au casernement de militaires (Barral, Joly, 2011). Peut-être Vendeuil-Caply pourrait-il présenter un cas comparable également, avec, sur le Mont-Câtelet un réseau fortifié augusto-tibérien qui enserre le sanctuaire et, d’après un sondage limité, des structures denses liées à de l’habitat (Piton, 1993). Vers une agglomération secondaire plus conventionnelle… L’habitat gallo-romain précoce semble donc volontairement arasé et nivelé, après un incendie au moins partiel, sous le principat de Néron ou au début de l’époque flavienne. L’intérieur de l’enceinte, au sud du sanctuaire, paraît alors définitivement inoccupé5, et ce jusqu’à l’abandon de la ville. Il est hautement probable que ce secteur ait été transformé en « place publique », hypothèse renforcée par la construction d’un mur maçonné (XCII) au sommet de la levée de terre julio-claudienne. Ce mur, actuellement suivi à l’est sur plus de 200 m (avec des contreforts internes réguliers), a également été reconnu au nord sur un petit tronçon. Il semble avoir servi de mur d’enceinte à cette grande place qui, au e siècle, est l’un des éléments essentiels du forum de Briga, avec le grand temple et la basilique (Mantel, 2006). La « confiscation » en vue d’un usage public de la surface interne de l’enceinte conduit à relocaliser 5 Aucune structure postérieure aux années 60-70/80 n’a été observée au sud de la basilique, que ce soit dans la vaste fouille en aire ouverte ou dans les tranchées de sondages qui commencent à quadriller ce secteur. 137 Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé) l’habitat à l’extérieur, dans des zones jusqu’alors inoccupées en périphérie. Ce n’est donc pas un hasard si les zones d’habitat actuellement dégagées se développent précisément à partir de l’époque flavienne, en lien avec la mise en place d’un qua- Antiquité drillage de rues. Cet ensemble d’aménagements urbains nous semble relever de décisions à caractère politique visant à jeter les bases sur lesquelles s’est ensuite développée l’agglomération stricto sensu. 1 Bibliographie B P., J M. (2011) – Le sanctuaire de Mirebeau-sur-Bèze. M. Reddé (dir), Aspects de la romanisation dans l’est de la Gaule. Bibracte, t. 21, vol. 2, p. 543-555. C J.-L. (1996) – La naissance de la villa en Picardie : la ferme gallo-romaine précoce. D. B, J.-L. C J.-L. – De la ferme indigène à la villa romaine. Revue archéologique de Picardie, no special 11, p. 121-156. D L.-P. (1984) – Les monnaies gauloises du Bois-l’Abbé (Eu, Seine-Maritime). Contribution à l’étude de la circulation monétaire dans l’ouest du Belgium après la conquête romaine. Paris, Les Belles Lettres, « Annales littéraires de l’université de Besançon, 295 ». M M. (1982) – L’inscription dédicatoire du théâtre du Bois-l’Abbé à Eu (Seine-Maritime). Gallia, fasc. 1, p. 35-51. M E. (dir.) (1998) – Le sanctuaire de Fesques « Le Mont du Val-aux-Moines » (Seine-Maritime). Nord-Ouest archéologie, no 8. M E., D S., D S. (2006) – Une agglomération antique sort de l’anonymat (Eu, « Bois l’Abbé », Seine-Maritime) : Briga ressuscitée. 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Nord-Ouest Archéologie, no 5. 138 Les auteurs Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012 Les auteurs ORGANISMES DE RATTACHEMENT RÉGIONAUX Archéo 27 Maison des associations, 8 rue Jacques-Philippe-Bréant, 27300 Bernay Centre de recherches archéologiques de Haute-Normandie (CRAHN) Hôtel des sociétés savantes, 190 rue Beauvoisine, 76000 Rouen Chronoterre Archéologie 115 rue Merlot, Zac La Louvade, 34130 Mauguio Direction régionale des affaires culturelles de Haute-Normandie (DRAC) Service régional de l’archéologie, 7 place de la Madeleine, 76000 Rouen Éveha Normandie 34 rue du Marais, 14000 Caen Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) Grand-Ouest 37 rue du Bignon, CS 67737, 35577 Cesson-Sévigné  INRAP – Centre archéologique de Haute-Normandie, 30 boulevard de Verdun, Immeuble Mermoz, 76120 Le Grand Quevilly Mission archéologique départementale de l’Eure (MADE) 8 rue des Thermes, 27930 Le Vieil-Évreux A Bruno C Dominique F Monique INRAP Haute-Normandie DRAC Basse-Normandie, UMR 6566 du CNRS, PCR Les premiers hommes en Normandie CRAHN B Jean-Jacques Département de préhistoire du Museum national d’histoire naturelle, UMR 7194 du CNRSUSM 204 du MNHN D Vincent G Salomé C Sébastien MADE Éveha D Hélène B Céline INRAP Haute-Normandie, UMR 7044 B Sandrine MADE C Paola D Gilles MADE D Stéphane INRAP Haute-Normandie INRAP Grand-Est Sud, UMR 7041 ArScAn C Jean-Louis D Gilles Association Les vieilles pierres 259 MADE Moniteur-allocataire, EA 4081, université Paris-Sorbonne, Institut d’Art et d’Archéologie B Magali, INRAP Haute-Normandie F Filipe doctorante, UMR 8591 H Cécile ATER, université Paris I – Panthéon-Sorbonne, Institut d’art et d’archéologie J Laurence INRAP Haute-Normandie L Jean-Pierre (†) L B Jean-Noël Archéo 27 Archéo 27 C Christine F Alain L B Véronique INRAP, UMR 8591 CRAHN Archéo 27 Les auteurs L-H Élisabeth M Jimmy V Pierre INRAP Haute-Normandie, UMR 6273 Université de Nantes, UMR 6273 L M Jacques N Charlie Département de préhistoire du Museum national d’histoire naturelle, UMR 7194 du CNRSUSM 204 du MNHN CNRS (CRAHAM, université de Caen, UMR 6273) L-L Nicole CNRS, UMR 8591 M Étienne DRAC Haute-Normandie, UMR 7041 ArScAn M Cyril INRAP Basse-Normandie, UMR 6566-CReAAH M Régis Architecte en chef des Monuments historiques M Sylvain R Élisabeth INRAP Haute-Normandie R-W Monique CRAHN-SNEPH, CIRTAI-UMR IDEES 6266, université du Havre R Caroline MADE R Caroline INRAP Haute-Normandie, UMR 7055 T Aminte INRAP Haute-Normandie, UMR 6273 INRAP Haute-Normandie V Jean-Baptiste M Jean-Marie Doctorant, université de Rouen, GRHIS, CRAHAM UMR 6273 PCR Les premiers hommes en Normandie 260 Chronoterre Archéologie W Jean-Pierre Archéologue honoraire du Museum du Havre, CRAHN et CReAAH, UMR 6566, université de Rennes W Pierre MADE W Pierre-Manuel Étudiant, université de Paris X-Nanterre Ta b l e d e s m a t i è r e s Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012 Table des matières 9 Dominique C, Jean-Pierre L (†), Jean-Jacques B, Pierre V, Nicole L-L et Jean-Marie M Les niveaux de base du site de Saint-Pierre-lès-Elbeuf (Seine-Maritime) : décapage du toit de la nappe alluviale, du lœss intercalaire, du paléosol Elbeuf IV et des niveaux immédiatement sus-jacents 17 Vincent D Aubevoye (Eure), RD 65. Étude géoarchéologique d’un petit affluent de la Seine en zone de confluence 33 Cyril M, Bruno A et Sylvain M Au bord de l’eau ! Les fouilles du Port-au-Chanvre à Alizay et Igoville (Eure). Présentation liminaire : méthodes, attendus, premiers résultats 47 Caroline R, Élisabeth R, Aminte T, Christine C et Salomé G Le diagnostic de Porte-Joie (Eure) : 8 000 ans d’occupation révélés en vallée de Seine 67 Caroline R Note sur les principales découvertes de la fouille préventive du site de Fleury-sur-Andelle (Eure) « La Côte des Monts – collège Guy-de-Maupassant » 71 Monique R-W Des Gaulois à la préhistoire : la (re)construction du passé ancien par les archéologues haut-normands (1859 – début des années 1880) 83 Laurence J Installation d’un artisan-boucher à Uggade au er siècle après J.-C. 93 Jimmy M Le port romain d’Aizier (Eure) : principaux résultats de la campagne 2011 103 Sandrine B et Sébastien C Le grand sanctuaire central du Vieil-Évreux (Eure). Résultats de la campagne 2011 113 Filipe F Le théâtre du sanctuaire du Vieil-Évreux (Eure). Résultats de la campagne 2011 119 Cécile H Le Vieil-Évreux (Eure) : les habitations de l’agglomération antique. Résultats de la campagne 2011 125 Étienne M et Stéphane D Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé, Seine-Maritime). Fouille d’un quartier d’habitat d’époque julio-claudienne 261 Ta b l e d e s m a t i è r e s 139 Régis M Le théâtre antique de Lillebonne (Seine-Maritime) : restauration et mise en valeur 143 Charlie N et Magali B Val-de-Reuil (Eure), ZAC des Portes : la nécropole tardo-antique 157 Pierre W Évreux (Eure). Le diagnostic de l’ancien hôpital Saint-Louis : une fenêtre ouverte sur l’histoire de la ville 183 Jacques L M Le monastère de Jumièges (Seine-Maritime) à l’époque carolingienne : recherches récentes sur les églises Saint-Pierre et Notre-Dame 193 Jean-Baptiste V Nouvelles données architecturales à l’abbaye Notre-Dame de Mortemer (SeineMaritime) : sondages dans l’infirmerie 213 Gilles D Principaux résultats de la fouille préventive d’une partie de l’abbaye Saint-Taurin d’Évreux (Eure), dans l’enceinte du couvent de la Providence (2010) 219 Jean-Louis C Ivry-la-Bataille (Eure) : la Grotte du sabotier. Résultats de la campagne de fouilles 2011 223 Paola C Localisation d’une tour d’entrée du château Bouvreuil à Rouen (Seine-Maritime) 227 Paola C Les fortifications d’Harfleur (Seine-Maritime) : diagnostic archéologique complémentaire 237 Véronique et Jean-Noël L B, Gilles D L’archéologie aérienne dans le département de l’Eure en 2011 243 Jean-Pierre W, Alain et Monique F Poids à pêche de la basse vallée de la Seine 259 Les auteurs 262