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H-N
Journées archéologiques régionales organisées par
– le Centre de recherches archéologiques
de Haute-Normandie,
Société normande d’études préhistoriques et historiques
Hôtel des sociétés savantes - 190 rue Beauvoisine 76000 Rouen
– la Direction régionale des affaires culturelles
de Haute-Normandie,
Service régional de l’archéologie
7 place de la Madeleine 76000 Rouen
Ouvrage publié par la Direction régionale des affaires culturelles
de Haute-Normandie, service régional de l’archéologie
Directeur de la publication :
Luc L, directeur régional des affaires culturelles
de Haute-Normandie
Textes réunis par Marie-Clotilde L,
conservateur en chef du patrimoine
Comité de lecture : Florence C, Laurence E-E,
Éric F, Olivier K, Marie-Clotilde L,
Dominique P
Mise en pages : Sandra L
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction,
sous quelque forme que ce soit, réservés pour tous pays.
© Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013
Rue Lavoisier 76821 Mont-Saint-Aignan C
www.univ-rouen.fr/purh
ISBN : 978-2-87775-595-5
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R, -
P R H
Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012
Préface
Chaque année, les journées archéologiques de Haute-Normandie permettent la rencontre des différents
acteurs de la recherche régionale, qu’ils soient professionnels ou bénévoles, et la restitution au public des
récents travaux et opérations de terrain. Organisées par le ministère de la Culture et de la Communication –
direction régionale des Affaires culturelles de Haute-Normandie, service régional de l’Archéologie, et le Centre
de recherches archéologiques de Haute-Normandie (CRAHN), avec la collaboration du Conseil général de
Seine-Maritime, elles se sont déroulées les 11 et 12 mai 2012 à l’Hôtel des sociétés savantes de Rouen. Les
visites commentées du théâtre de Lillebonne, puis de l’abbaye de Jumièges les ont conclues le 13 mai.
Cinq thèmes ont été retenus par les organisateurs : la Seine, axe de circulation et d’échanges comme l’atteste
le port antique d’Aizier, et pôle d’attraction pour les sociétés humaines depuis la préhistoire ainsi qu’en
témoignent les sites du mont Enot à Saint-Pierre-lès-Elbeuf et d’Alizay ; voir et percevoir, sujet qui a
l’avantage de mettre en perspective l’histoire de la discipline, depuis les archéologues normands du XIXe siècle
aux nouvelles technologies comme la télédétection par laser aéroporté (LIDAR), sans oublier la prospection
aérienne classique ; le quotidien, abordé traditionnellement par l’habitat – protohistorique à Louviers,
antique à Eu ou « l’Aubue » au Vieil-Évreux – mais aussi par les productions spécialisées, telle la faïencerie
Decaën à Harfleur ; le monumental, pour lequel le grand sanctuaire et le théâtre antiques du Vieil-Évreux,
le théâtre de Lillebonne sont des sites emblématiques, auxquels il convient d’ajouter les vestiges médiévaux de
la tour d’entrée du château de Philippe Auguste à Rouen et du rempart d’Harfleur ; le spirituel, d’ailleurs non
sans lien avec le thème précédent, si l’on en juge par le sanctuaire de l’Antiquité tardive du « Chemin-auxErrants » à Val-de-Reuil et les abbayes de Mortemer et Saint-Taurin d’Évreux, qui viennent rappeler ici que
l’archéologie ne se limite pas aux traces enfouies mais concerne aussi les vestiges en élévation par l’étude du bâti.
Au total ce sont vingt-trois contributions qui sont venues démontrer la vitalité de la recherche archéologique
en Haute-Normandie. Celle-ci est favorisée par la pluralité des chercheurs, en archéologie programmée comme
préventive, issus d’horizons variés : associations, universités, INRAP, collectivités (MADE, département de
Seine-Maritime), structures de droit privé et bien sûr service régional de l’Archéologie. Ce dynamisme se
concrétise également par la publication récente de monographies, comme celle du site paléolithique final du
Buhot à Calleville, et de synthèses régionales, comme celle consacrée au haut Moyen Âge en Haute-Normandie1.
Que les intervenants et organisateurs soient remerciés pour leur contribution à la réussite de ces rencontres,
avec une intention particulière pour Marie-Clotilde Lequoy dont l’important travail éditorial permet que
le lecteur dispose de cet ouvrage lors des journées archéologiques régionales de 2013, journées qui contribuent
particulièrement à une des missions du ministère de la Culture et de la Communication : la diffusion des
connaissances dans le domaine de la recherche et du patrimoine.
Luc LIOGIER,
Directeur régional des Affaires culturelles
1
7
Miguel Biard et Stéphan Hinguant (dir.), Le bivouac préhistorique du Buhot à Calleville (Eure). Caractérisation d’un assemblage lithique laminolamellaire de la fin du Paléolithique supérieur, Paris, CNRS éditions – INRAP), « Recherches archéologiques, 2 », 2011, 158 p, 137 fig, 13 pl. ;
Florence Carré (dir.), L’archéologie en Haute-Normandie. Bilan des connaissances. T. : Le haut Moyen Âge, Rouen, PURH, 2011, 207 p,, 91 fig.
Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé)
Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012
Aux origines de l’agglomération antique de Briga
(Eu, Bois-l’Abbé, Seine-Maritime)
Fouille d’un quartier d’habitat d’époque julio-claudienne
La campagne 2011 a permis de remonter les origines de Briga vers 10 avant notre ère, en attestant une étendue de l’agglomération
sur environ 4 ha pour la période julio-claudiennne. Le sanctuaire et l’habitat, dèjà fortement romanisés, sont ceinturés par un fossé,
une palissade et un talus. La zone d’habitat est délaissée vers 60-70 de notre ère pour être transformée en « place publique » enserrée
par un mur d’enceinte. La bourgade se développe ensuite à sa périphérie, encore vierge d’occupation semble-t-il.
Going back to the origins of the ancient site in Briga (Eu, Bois-l’Abbé, Seine-Maritime département)
The 2011 studies dated the origins of Briga to around 10 BC, after confirming that a section of the site of around 4 hectares belonged to
the Julio-Claudian period. The sanctuary and living quarters, which were extremely Roman in style, are surrounded by a ditch, fence
and a sloped wall. The living area was abandoned in around 60-70 AD and was transformed into a public area surrounded by a higher
outer wall. The town then started to develop around the wall, although it seems to have been unoccupied.
GAULE BELGIQUE, CATUSLUG ?, GALLOROMAIN, JULIOCLAUDIEN, FLAVIENS, BASILIQUE, TEMPLE, FANUM,
PORTIQUE, DÉPOTS VOTIFS, ARMEMENT, ENCEINTE FOSSOYÉE, VILLAGE FORTIFIÉ, ÉMISSION MONÉTAIRE,
ENDUITS PEINTS, GRAFFITIS.
Objectif de la campagne
de fouille
Étienne M1,
Stéphane D
Avec une contribution de
Pierre-Manuel W.
Situé sur la frange littorale de la Manche, quelques
kilomètres en retrait de la côte, le site du Bois-l’Abbé
à Eu correspond à une bourgade antique qui couvre,
dans l’état actuel des connaissances, une cinquantaine d’hectares (fig. 1). Elle relevait durant le HautEmpire romain de la province de Gaule belgique,
probablement rattachée au territoire de la cité des
Bellovaques (ou à celui des Ambiens), à proximité
de la frontière entre Belgique et Lyonnaise ; il paraît
assez vraisemblable d’y voir le chef-lieu d’une des
subdivisions de la cité (Mangard, 1982), le pagus
Catuslou(gus), mentionné sur place sur plusieurs
inscriptions dédicatoires.
Des sondages (2002-2005) puis une campagne pluriannuelle de fouilles programmées (2006-2009) ont
permis d’élargir le plan et de revisiter le phasage du
centre monumental. Ce dernier, dans son état final
du e siècle, comprend un temple gréco-romain
encadré d’un portique le long duquel s’égrène une
série de fana, une basilique et des bâtiments publics
dont la nature reste conjecturale ; l’ensemble de ces
monuments est groupé de manière à dominer une
place publique.
Depuis 2010, la fouille vise à mettre en évidence
l’existence réelle d’une agglomération autour de ces
monuments publics. La première année a porté sur
une série de sondages assez étendus au nord et au
nord-est du centre monumental (Mantel, Dubois,
2012) : ils ont permis de découvrir les premiers segments de rues, et de dégager partiellement plusieurs
maisons dont la fonction d’habitation paraît bien
établie 2. Le développement de ce quartier a pu être
daté par le mobilier, recueilli en grande quantité,
entre le dernier tiers du er et le troisième quart du
e siècle. Un autre quartier, au sud du théâtre, a
été sondé par le service archéologique municipal
de la ville d’Eu ; il comprend des petits thermes
et une maison privée, dont l’occupation s’étend
également entre l’époque flavienne et la seconde
partie du e siècle. Il semble donc, en l’état actuel
des connaissances, que le développement de l’agglomération proprement dite ne soit pas antérieur
aux dernières décennies du er siècle.
La nature de l’occupation du Bois-l’Abbé avant
cette date pose donc question. Les divers sondages
menés par ailleurs dans la clairière, hors des abords
du centre monumental, présentent des vestiges
antiques qui apparaissent, au plus tôt, à l’époque
flavienne. Il semble donc que l’agglomération au
sens strict ne se développe réellement qu’à cette
1 Responsable de l’opération. Les auteurs remercient ici l’ensemble des bénévoles qui ont participé à l’opération, 86 personnes au total,
qui se sont relayées durant les deux mois et demi de la campagne de fouilles 2011.
2 Une large fouille en aire ouverte, durant l’été 2012, a amplement confirmé les premiers acquis de ces sondages, mettant en évidence
un quartier organisé en îlots irréguliers, délimités par des rues qui par endroits sont bordées de trottoirs et de caniveaux. Cette organisation de type urbain semble remonter aux années 60/70 de notre ère.
125
Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé)
Fig. 1. Plan de l’ensemble
des vestiges antiques mis au
jour lors des campagnes de
fouilles et sondages réalisés
entre 1965 et 2011 et
périmètre classé au titre
des Monuments historiques
(dir. : É. Mantel ;
DAO : L. Cholet).
126
Antiquité
Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012
période. Comment se présentait, dans ces conditions, l’occupation antérieure d’époque gauloise et
julio-claudienne ?
En effet, la fouille du sanctuaire a montré le démarrage des pratiques cultuelles dès l’époque gauloise,
probablement au cours du e siècle avant notre
ère. Pour ce que l’on en perçoit, la pratique des
dépôts votifs connaît son apogée durant l’époque
julio-claudienne, entre les principats d’Auguste
et de Néron, avec des dépôts qui se comptent par
milliers (monnaies, objets de parure et de toilettes,
pièces d’armement et de fourniment, objets divers
liés à l’écriture, au harnachement, à l’équipement
domestique, etc.). Le site se limitait-il, alors, à cette
période à ce sanctuaire très fréquenté ?
Pour répondre à cette question, une vaste fenêtre
de fouille a été ouverte au sud de la basilique, où
des sondages de reconnaissance les années passées avaient livré les traces fugaces de petits bâtiments mêlés à du mobilier gallo-romain précoce.
L’hypothèse d’un petit hameau voisinant le sanctuaire était envisagée ; la présence d’une occupation
à caractère militaire était également supposée, sur la
base de plusieurs centaines de pièces d’armement et
de fourniment déposées dans le sanctuaire (fig. 2).
On reconnaît, parmi l’échantillon de ce mobilier
présenté sur la planche, des éléments de cuirasse
segmentée (lorica segmentata), tels que charnière et
boucles ; des attaches de ceinture typiquement militaires (cingulum, ainsi qu’un rivet de tablier) ; divers
éléments de glaive (pommeau, poignée, garde, bouterolle et barrette de suspension de fourreau), enfin
un bouton d’attache de poignard (button-loop). Ces
éléments désignent l’infanterie romaine, mais des
éléments liés à la cavalerie ont également été mis au
jour (fragments d’épées longues et fers de lances par
dizaines, éléments de buffleterie et applique décoratives de harnais notamment). De la même manière
(et peut-être en lien avec cette présence militaire),
l’existence sur place d’un centre de pouvoir politique
peut être déduite de la frappe sur place (Delestrée,
1984) de petites monnaies de bronze (quadrans ?)
à l’effigie d’un dénommé Viricius (fig. 3).
La campagne de fouilles 2011 a bel et bien confirmé
l’existence d’une occupation julio-claudienne en
dehors du sanctuaire. La définir reste prématuré,
mais il est évident qu’il faut aujourd’hui envisager
une nouvelle hypothèse pour servir de cadre aux
investigations à venir sur les origines de l’agglomération.
Fig. 2. Éléments de
fourniment et d’armement
gallo-romains (dessins :
É. Mantel).
Fig. 3. Monnaie gauloise
en bronze à la légende
Viricius (DT 505) D/R
(cliché : D. Viennot).
Une enceinte fossoyée
L’existence d’un enclos au sud du centre monumental est connue depuis 1962, grâce à une photographie aérienne de feu R. Agache, qui montre clairement en micro-reliefs trois des côtés d’une enceinte
délimitée par une levée de terre, avec ce qui semble
être une entrée en clavicule (fig. 4). Cette particularité a conduit le photographe à conclure à l’existence d’une petite fortification militaire romaine.
127
Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé)
Fig. 4. Vue aérienne du site
du Bois-l’Abbé en 1962 ;
la lumière rasante fait
apparaître un micro-relief
quadrangulaire interprété
comme un retranchement
(cliché : R. Agache).
La levée de terre est encore aujourd’hui perceptible
au sol dans ce secteur, et un levé micro-topographique réalisé de 2010 à 2012 par Richard Jonvel
(Univarchéo) l’a bien mis en évidence (fig. 5). Seuls
trois côtés de la levée de terre sont conservés, la
partie septentrionale ayant probablement été ara-
Antiquité
sée par les aménagements successifs du sanctuaire
puis du centre monumental, à partir de la seconde
moitié du er siècle. Le tracé s’avère plus étendu et
plus complexe que ce que montrait le cliché aérien,
notamment du côté ouest, qui présente un décrochement en baïonnette. On peut d’ores et déjà exclure
un simple plan quadrangulaire.
Retrouver le tracé septentrional est donc un enjeu
important pour la compréhension de la structuration du site à l’époque julio-claudienne. Un creusement observé en forêt en 2007 dans la tranchée
de sondage 1, derrière le sanctuaire, nous semble
pouvoir appartenir à cet ensemble. De même au
nord du temple, divers indices laissaient soupçonner l’existence d’un fossé sous l’amas de silex St. 1,
supposition qui en 2011 restait hautement hypothétique pour le tracé de la limite dans ce secteur.
D’aussi fragiles conjectures n’étaient pas admissibles
sans vérification, aussi, dès le début de la campagne
20123, une série de sondages mécaniques a-t-elle
été ouverte à travers la St. 1. L’existence d’un puis-
levée de terre
enclos
Fig. 5. Levé microtopographique faisant
nettement apparaître un
relief spécifique (levée
de terre) en contrebas
du centre monumental
et mettant en exergue la
terrasse sur laquelle est
implanté ce dernier – on
remarque l’implantation
du fanum 7 à l’angle
nord-est de cette terrasse
(dir. : É. Mantel ; relevé :
R. Jonvel, Univarchéo).
fanum 7
N
relevé: R. Jonvel
dir. : E. Mantel
0
50 m
Fig. 5 : Levé micro topographique faisant nettement apparaître un relief spécifique (levée de terre) en contrebas du complexe
3 Le présent ouvrage est plutôt consacré à l’activité archéologique de 2011, mais il nous paraît indispensable ici d’aborder ponctuellement les résultats de la campagne 2012, cette opération de sondages découlant directement des hypothèses de travail ébauchées l’an
dernier.
128
Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012
SANCTUAIRE
?
?
?
Fig. 6. Plan de l’enceinte
avec ses structures internes de
la phase 3 (dir. : É. Mantel ;
DAO : S. Dubois).
HABITAT
dépotoir
secondaire
de "terre noire"
N
voie ?
DAO S. Dubois
dir. E. Mantel
0
35 m
Phase 3 : avant 60 apr. J.-C.
Fig. 6 : Plan de l'enceinte avec ses structures internes de la phase 3
sant fossé a ainsi été confirmé, et son tracé suivi sur
environ 90 m ; l’amorce d’une courbe très marquée
dans le dernier sondage entérine un tracé qui enserre
la zone cultuelle dans une section curviligne.
L’enceinte se dessine donc beaucoup mieux, même
s’il subsiste encore des interrogations pour certains
tronçons. Elle engloberait d’après ce que l’on en
perçoit actuellement une surface de l’ordre d’un
peu plus de 4 ha, avec une partie méridionale rectangulaire, et une partie septentrionale irrégulière
qui englobe (exclusivement ?) le sanctuaire (fig. 6).
Sans doute faut-il envisager l’existence d’une partition interne qui isole la zone cultuelle, mais cette
limite, pour l’heure, n’a pas été mise en évidence ;
en vérifier l’existence constituera un des nombreux
axes des travaux à venir.
Un sondage dans l’angle sud-est de l’enceinte en
1996 avait montré l’existence, en avant de la levée
de terre, de ce même large fossé à profil en V (ouverture : 2,80 m ; profondeur : environ 1,20 m), fossé
précédé d’un petit creusement (trou de poteau ?).
Pour une raison qui nous échappe, les résultats de
ce sondage amenaient l’auteur du rapport à exclure
de façon péremptoire une fonction défensive à
cette enceinte (Cholet, 1996). Nombre de cas-
tellae romains présentent pourtant des caractères
similaires, tant par le profil que par les dimensions
de la fossa.
Une nouvelle série de sondages a été réalisée en
2011 et 2012 sur la face nord-est de l’enceinte et
son fossé (dénommé XC dans la nomenclature de
la fouille), afin d’en confirmer la réalité archéologique et d’en suivre le tracé. Il est désormais suivi
par tronçons sur plus de 220 m de longueur, en
linéaire, sur le côté nord-est, et suit effectivement
le tracé de la levée de terre, confirmant le lien entre
les deux structures.
Trois nouvelles coupes réalisées dans ce fossé XC
montrent un profil sensiblement comparable à
celui observé en 1996, avec une section en V plus
abrupte du côté interne que vers l’extérieur, et des
dimensions de l’ordre de 2,80 à 3,50 m à l’ouverture
pour une profondeur conservée selon les sondages
de 1,20 m à 1,80 m (fig. 7). Les terres de creusement ont été rejetées vers l’intérieur pour former
la levée de terre ; à la base de ce talus, dans le sondage 10, ont été trouvés deux bronzes gaulois dont
un quadrans à l’effigie de Germanus Indulli l., qui
fixe la construction de l’enceinte postérieurement
ou autour de 10 avant notre ère. Entre le fossé et
129
Antiquité
Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé)
Fig. 7. Fossé XC, coupe EF
au niveau de l’angle sudest de la salle du conseil
(relevé : M. Delezenne,
B. Delval, S. Lafargue ;
DAO : A. Bourgois).
le talus, sur une courte section fouillée de quelques
mètres, ont été observés trois trous de poteau qui
s’ajoutent à celui visible sur la coupe de 1996. Dans
l’attente d’une observation plus étendue de ces traces
supposées de palissade, la restitution actuellement
envisagée serait un système fortifié « à la romaine »,
associant un puissant fossé et une palissade contre
laquelle venait buter le talus, à l’intérieur (fossa,
vallum et agger).
Les constructions internes
à l’enceinte
La fenêtre et les tranchées de reconnaissance ouvertes
en 2011 à l’intérieur de cette enceinte ont mis en
évidence une série de petites constructions sommaires sur soubassements de silex. Plusieurs autres
bâtiments de même nature, fouillés antérieurement
aux abords du sanctuaire, peuvent leur être associés, ébauchant ainsi le plan d’un quartier d’habitat
julio-claudien inclus dans l’enceinte, au voisinage
nord et sud-est du sanctuaire (fig. 8).
Deux types de bâtiments
peuvent être distingués (fig. )
Les constructions rectangulaires
maçonnées
Le premier groupe ne s’est actuellement rencontré
qu’aux abords immédiats de la zone de dépôts votifs,
et correspond à de longues constructions très étroites
(environ 2 m de large à l’intérieur), sans cloisonnement interne. Outre leur plan, les trois édifices
de ce groupe (espaces Xbis, XXIII et XXXIII) se
distinguent de la deuxième série de bâtiments par
un mode de construction plus soigné. Les soubassements sont en effet ici maçonnés, en rognons de
130
silex liés au mortier, et des restes d’enduits peints
en bas de mur témoignent pour le bâtiment XXIII
d’une décoration des parois internes.
L’étroitesse de la largeur rend improbable une
fonction d’habitat ; on notera en outre la présence
d’un bâtiment de même type sur le sanctuaire de
Fesques, là aussi aux abords immédiats de la zone
cultuelle (Mantel, 1997). Ces différents éléments
nous conduisent à y voir plutôt, sous toute réserve,
des constructions à caractère public annexes au
lieu de culte.
Tous sont édifiés sur le niveau des « terres noires »
et recoupés par les constructions plus récentes ;
quoiqu’ils appartiennent à un même état stratigraphique, aucun élément ne permet de savoir
s’ils étaient contemporains ou s’ils se sont succédé
sur le site.
Bâtiment X bis
Construction longue de 8,10 m pour une largeur
restituée de 2,90 m en œuvre. La pièce unique ainsi
délimitée mesure 7,35 m sur 1,80 m, soit une superficie au sol légèrement supérieure à 13 m². Les soubassements de murs sont constitués de deux parements de rognons de silex liés au mortier de chaux,
et larges seulement de 0,35 m.
Bâtiment XXIII
Long de 14 m, le bâtiment XXIII est large en œuvre
de 3,52 m, ses murs délimitant une pièce unique
de 12,60 m par 2,25 m, soit 28 m² environ. Il ne
subsiste que les soubassements des murs, larges de
0,70 m, et composés de deux parements de silex
liés au mortier de chaux, avec un blocage interne en
petits rognons et en tuiles. Le sol interne sans aménagement apparent, illisible sur le niveau des « terres
noires », était couvert d’une couche de démolition
Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012
Fig. 8. Plan du centre
monumental et des habitats
précoces. État de la recherche
fin 2011 (dir. : É. Mantel ;
DAO : A. Bourgois).
131
Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé)
Antiquité
Fig. 9. Vue synoptique des
bâtiments actuellement
connus pour la phase 3 –
époque julio-claudienne
(DAO : S. Dubois).
Fig. 10. Hypothèse de
restitution des parois de
l’édicule XXIII (DAO :
P.-M. Weill).
incluant sur tout le pourtour des restes de peintures
murales, dont subsistaient par endroits quelques
centimètres en place en bas de murs.
Les enduits peints du bâtiment XXIII
(P.-M. Weill)
?
0
50 cm
?
P
M
W
N
Bl
N
N
N
N
N
Bl
N
N
V
Bl
Vf
N
V
Vf
Vf
10 cm
0
20 cm
0
V
V
V
P
M
W
V
Bl
Bl
V
V
Bl
V
V
Bl
Bl
V
0
10 cm
P
M
W
Fig. 10 : Hypothèse de restitution des parois de l'édicule XXIII, fragments et dessins. (DAO-photos P.-M.Weill)
132
L’édicule des espaces VI et XXIII a fourni, dans son
remblai de démolition, les restes fragmentés de sa
décoration intérieure, dont les dimensions exactes
ne sont pas connues. Il s’agit d’une plinthe à fond
blanc et mouchetis noir et rouge, dont quelques
maigres éléments étaient encore en place sur le
mur ouest. Séparés de la zone basse par une grande
bande noire, le décor se compose de panneaux à
triple filets d’encadrement (vert/rouge, bordeaux/
vert) et filet intérieur noir avec points dans les diagonales. L’un de ces panneaux reçoit en son centre
une ligne de sol verte avec feuillage à son extrémité.
Cette décoration représente un paysage avec scène
(mythologique, chasse, idyllico-sacré, etc.). De petits
inter-panneaux à filets d’encadrement, identiques
aux panneaux, présentent de grandes tiges noires
alternativement décorées de sept et trois feuilles
vertes et vert foncé (fig. 10). Plusieurs « mains »
sont reconnaissables dans l’exécution des décors,
qui sont parfois réalisés avec finesse. La zone haute
n’est pas restituable, mais il est probable d’y retrouver la grande bande noire que l’on imagine encadrer
de manière générale cette composition.
Il faut noter la présence de quelques graffitis, dont
un fragment montre la présence par quelques lettres,
de deux lignes de texte : ]MOCP[ sur la première
et ]HI[ sur la seconde.
Le fond blanc est très courant durant la période
gallo-romaine. On le rencontre notamment à Lyon,
au sanctuaire de Cybèle (ou prétoire d’Agrippa),
Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012
qui par ailleurs présente lui aussi, comme le bâtiment des espaces VI et XXIII, des filets triples
(ocre jaune/noir/ocre jaune), délimitant un panneau décoré en son centre par une scène nilotique.
Celle-ci est encadrée par des touffes de feuillages,
tandis que les figures prennent place sur une ligne
de sol verte. Daté de l’époque augustéenne, ce décor,
tout comme celui du Bois l’Abbé, s’inscrit dans la
lignée du troisième style. Une datation remontant
à la période julio-claudienne est envisageable pour
la décoration de cet édicule.
Bâtiment XXXIII
Ses dimensions sont sensiblement similaires à celles
du bâtiment précédent (14,50 m sur 3,50 m) et délimitent selon le même principe une pièce rectangulaire unique de 12,60 m par 2,28 m, soit 29 m² environ au sol. Comme l’édifice précédent également,
ses soubassements étaient constitués de parements
de silex avec blocage interne, larges de 0,72 m, liés
au mortier de chaux. Le blocage comporte de petits
fragments de peinture murale, reste de panneaux
de couleur rouge, verte et noire.
Des bâtiments aux plans variés
sur soubassements montés à sec
L’autre groupe de bâtiments présente un mode de
construction nettement plus sommaire. Les soubassements de silex sont simplement montés à sec, et
la largeur des murs se réduit à celle des deux parements accolés, soit 0,30 à 0,45 m. Ces solins se
limitent, dans la plupart des cas, à un unique rang
de rognons de silex, ce qui explique la disparition
définitive d’une partie des constructions, dont ne
subsiste, dans certains cas, qu’un petit segment
de mur (espace LXXXI bis) ou un angle formé
par deux courts tronçons de murs (espaces XII,
XLVII bis, XLIX bis). Le caractère fragile et fugace
de ces ultimes vestiges de bâtiments a nécessité une
adaptation de la méthode de fouilles : décapage
mécanique très haut, nettoyage manuel long et
minutieux, rendu complexe par l’ennoiement des
structures dans un tapis de rognons de silex issu de
l’épandage de la démolition.
Ainsi, plusieurs bâtiments ne nous sont plus accessibles que de façon très partielle, et il faut sans doute
envisager que d’autres aient pu être totalement éradiqués. Les unités mieux conservées offrent une certaine diversité de plans, qui présente comme point
commun de se réduire à une pièce unique, et ont
été bâties en matériaux légers (bois et torchis4) audessus des soubassements dégagés. Des toitures en
chaume semblent également pouvoir être restituées
pour l’ensemble de ces constructions, en l’absence
de tuiles dans les matériaux de démolition.
Bâtiment XII bis
Situé au nord du sanctuaire, cette construction
aux soubassements de murs épais de 0,45 m est
constituée d’une unique petite pièce rectangulaire.
En œuvre, elle mesure 4,92 m par 4,18 m, avec
des dimensions internes de la pièce de 3,15 m par
3,75 m, soit au sol une superficie de 12 m² environ.
Vers le centre subsistent les traces d’un foyer sommairement aménagé, une plaque d’argile ovale mêlée
d’éclats de silex, rubéfiée par le feu. Aucun sol n’a
été observé, le niveau supérieur des « terres noires »
ayant sans doute servi de surface de circulation.
Bâtiment CL
Dégagée en 2011, la construction CL est enfouie
sous les remblais de construction de la basilique.
Le creusement des tranchées de fondation de la nef
l’a partiellement oblitérée. Il n’en subsiste que trois
côtés, formés par des soubassements en silex larges
de 0,32 m, conservés au mieux sur quatre assises
(mur sud : H = 0,35 m). La dernière assise de silex
repose sur une assise de tuiles fragmentées, liées au
mortier « maigre », et qui elles-mêmes sont posées
sur deux niveaux de rognons de silex montés à sec.
Le quatrième pan de mur doit être restitué sous le
tracé de la fondation nord de la nef centrale, car il
n’a pas été retrouvé de l’autre côté. Le plan au sol
serait donc sensiblement carré, et de dimensions
assez importantes : 7,90 à 8 m de côté, pour une
superficie interne de la pièce de l’ordre de 52 m².
Aucun aménagement interne ne subsiste, et aucun
niveau de sol n’était perceptible.
Bâtiment XLII
Le bâtiment XLII présente un plan assez particulier,
sous forme d’un rectangle avec une abside au sud,
et un aménagement peu intelligible dans l’angle
sud-ouest. Peut-être s’agit-il des vestiges d’une
construction antérieure ?
Les dimensions externes sont de 7,55 m par 5,65 m
pour la partie quadrangulaire, avec un ajout d’1,30 à
4 Les rejets de démolition dans le fossé voisin XC comprennent dans un des sondages une épaisse couche de torchis brûlé qui porte les
marques d’un clayonnage en bois, confirmant ainsi l’aspect de l’élévation.
133
Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé)
1,50 m sur la largeur pour l’abside. La pièce unique
ainsi délimitée présente une surface au sol de l’ordre
de 40 m². Les soubassements sont construits sans
fondation et comportent un seul rang de rognons de
silex disposés de manière à former deux parements,
sans blocage interne. Les angles sont renforcés par
des rognons de silex de gros module, destinés à soutenir les poteaux de l’ossature en bois. Aucun aménagement de sol n’est perceptible, il s’agissait manifestement d’un sol en terre reposant sur le terrain
naturel. Deux foyers installés à même ce sol ont été
dégagés. Le premier est implanté à l’entrée de l’abside, et présente, sous une chape d’argile rubéfiée,
un radier constitué de deux gros fragments d’une
curieuse meule (ou d’un mortier ?) en grès; l’autre
est légèrement décentré à l’intérieur de la pièce, et
repose sur un radier formé de tessons de dolium.
Antiquité
St. du sondage
Une tranchée de reconnaissance dite « sondage 12 »
a été ouverte mécaniquement à une quarantaine
de mètres au sud de la zone dense où ont été fouillés les bâtiments XLII, XLIX bis, XLVII bis et les
traces d’autres constructions en grande partie oblitérées. Il s’agissait d’évaluer l’extension du quartier
d’habitation mis au jour au sud de la basilique. En
bordure de la tranchée ont été observés les soubassements de deux nouveaux bâtiments (nommés
provisoirement St. 2 et St. 5) construits selon les
mêmes principes : rognons de silex assemblés à sec,
en deux parements accolés, et conservés sur un seul
rang. Seul le plan du bâtiment St. 5 peut être partiellement appréhendé, au moins par la mesure de
l’une des façades : 4 m en œuvre, avec une pièce
qui semble légèrement trapézoïdale d’un peu moins
de 3 m de large.
Bâtiment XLVII bis
Il s’agit ici de restes arasés d’une construction rectangulaire tronquée au sud par un drain du e siècle.
Elle est conservée en longueur sur 5,70 m (sans
doute sur environ 6,50 m à l’origine) pour une
largeur totale de 3,10 m ; la largeur de la pièce au
sol est de 2,45 m pour une longueur minimale de
4,25 m. Cette pièce unique, qui pouvait couvrir à
l’origine environ 15 m², a livré sur 2 m² les restes
d’un aménagement de sol, sous forme d’un radier
de petits rognons de silex.
Bâtiment LXXXVI bis
Quelques mètres au sud de ce bâtiment ont été
dégagés, en limite de décapage, les ultimes vestiges
d’une autre construction, sous forme de deux segments de murs parallèles. Il s’agit là encore de soubassements en rognons de silex, cette fois disposés
en ligne comme un radier linéaire non appareillé.
Dans l’attente d’une extension de la fouille, seule la
largeur peut en être appréhendée (4,20 m).
Bâtiment XLIX bis
De cette construction ne restait, en place, qu’un
angle formé par deux soubassements de mur formant
un L, conservés l’un sur 1,85 m de long, l’autre sur
3,58 m. À l’intérieur subsistaient quelques mètres
carrés d’un sol aménagé sous forme d’un radier, là
encore en petits rognons de silex. Sur celui-ci était
aménagé, près du mur, un foyer circulaire formé
d’une chape d’argile rubéfiée qui reposait sur un
radier de silex.
134
Interprétation
La présence d’un foyer dans plusieurs constructions,
l’abondance du mobilier domestique (vaisselle de
table et de cuisine, récipients de transport et de
stockage des aliments, faune, fragment de meule
en grès), rendent des plus vraisemblables l’identification de la plupart de ces constructions à des unités d’habitation. Le bâtiment XII bis notamment,
par son plan et son foyer central, est comparable
aux bâtiments d’habitation augusto-tibériens de la
villa de Famechon dans la Somme (Collart, 1996,
fig. 12). Le bâtiment CL fait peut-être exception,
par ses dimensions plus importantes ; on se gardera
pour l’heure de lui assigner une fonction d’habitat : comme pour les longs bâtiments rectangulaires XXIII et XXXIII, on ne peut exclure ici une
fonction publique. Tous sont localisés aux abords
du sanctuaire gallo-romain précoce, sur le devant,
à l’extérieur du péribole ; ce lien géographique avec
le sanctuaire pourrait orienter les recherches vers la
mise en évidence d’un lien fonctionnel.
Aucun atelier n’a actuellement été identifié en tant
que tel, mais des traces indirectes témoignent de
la présence d’artisans sur le site à cette époque. Le
travail du plomb a ainsi été mis en évidence par la
découverte, parmi les rejets dans le fossé XC, d’une
grande jatte à profil en S réoxydée par le passage
au feu, et qui porte, sur le fond, un dépôt de résidus plombifères, ainsi que des coulures en divers
points des parois internes et externes (fig. 11). De
même, une série assez conséquente de céramiques
déformées à la cuisson a été découverte dans ces
contextes. Il s’agit de jattes à bord rentrant et de
Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012
Fig. 11. Creuset de
plumbarius provenant du
comblement du fossé XC bis
(DAO : S. Dubois).
Fig. 12. Ratés de cuisson
en céramique commune de
production locale : fissure
et enfoncement sur jatte,
fortes déformations sur
un fond et un col de pot
(clichés : S. Dubois).
pots à col concave, en céramique commune grise
calcaire (groupe 13 du nord de la Seine-Maritime),
qui portent les stigmates de défauts de cuisson
important : déformation du col et de la panse,
enfoncements, fissures, grésage partiel. Ces premiers
éléments nous conduisent à envisager la présence
à proximité d’un centre de production céramique
dès l’époque augusto-tibérienne (fig. 12). L’étude
du mobilier de prospections pédestres aux alentours montre une diffusion micro-régionale pour
ce groupe, avec une présence très affirmée dans
un rayon d’une quinzaine de kilomètres (fig. 13).
On soulignera enfin que, pour l’heure, aucune trace
d’habitat julio-claudien n’a été observée en dehors de
l’enceinte : cette remarque vaut pour l’aire ouverte
en 2012 sur un tiers d’hectare au nord-est du sanctuaire, pour le sondage 6 au nord du sanctuaire,
pour les secteurs du théâtre, des petits thermes et
de l’habitat fouillé à proximité, ainsi que pour les
micro-sondages épars sur le site. L’enceinte polygonale semble donc bien marquer la limite de la zone
occupée à cette période.
Premier aperçu du mobilier
domestique julio-claudien
L’aire ouverte au sud de la basilique, les tranchées
de reconnaissance 10, 12 et 13, et le comblement
médian du fossé d’enceinte XC ont livré une quantité importante de mobilier domestique, qui permet
une première appréciation du mode de vie sur le
site entre l’époque augustéenne et le principat de
Néron. Aucune stratification n’a malheureusement
pu être observée dans ce quartier d’habitation, la
couche archéologique se limitant à un unique horizon de terre organique, peu épais, entre le terrain
naturel et la couche végétale.
MORINI
Oceanus Britannicus
(La Manche)
ATREBAT
TREB
BRIGA :
atelier présumé
MBIANI
AMBIANI
Catuslugi ?
VIROMA
VIROM
CALETI
Fig. 13. Carte de diffusion
des productions présumées
du Bois-l’Abbé groupe 13
(époque julio-claudienne
au début IIe siècle)
(DAO : S. Dubois).
BE
BEL
BELL
BELLO
ELLOVACI
ACI
BELLOVACI
VELIOCASSES
VELIO
VELIOCA
VEL
VE
LIOCASSE
ASSES
LEXOVII
Sulbanecti
Sulbane
Sulbanect
SVESS
Il semble qu’en phase d’abandon du quartier, les
constructions aient été délibérément rasées ; les
matériaux de construction et dépotoirs auraient
alors été épandus sur place pour niveler le terrain et
combler les deux premiers tiers du fossé d’enceinte.
Cette destruction volontaire est actuellement datée
des années 60-70/80 de notre ère, d’après les éléments les plus récents trouvés parmi ce mobilier.
L’épandage de ces déblais a entrainé un mélange,
que traduit bien la découverte dans les mêmes unités
stratigraphiques d’éléments clairement augustéens
avec du mobilier claudio-néronien.
La vaisselle et les amphores (fig. 14) témoignent
d’emblée d’un faciès singulièrement riche et varié,
avec un caractère romain bien marqué, et ce dès
l’époque augustéenne. La seconde partie de l’époque
augustéenne compte ainsi une petite série de sigillées de tradition arétine, à laquelle il faut ajouter
quelques éléments d’amphores italiques Dressel 1
(pâtes de type Eumachi, pâte étrusque). Les décennies suivantes comprennent de nombreuses sigillées
de La Graufesenque, avec notamment les formes
135
Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé)
Antiquité
Sigillées italiques et lyonnaises
2011 2-81-03
2011 2-80-03
2011 2-XC-08
Sd 40
2011 2-81-05
2011 - 2-2-119
2011 2-54-01
2011 2-87-01
Sigillées précoce de La Graufesenque
Sigillées "de mode A" à enduit lie-de-vin
2010 2-39-05
2011 - 2-2-119
Céramique fine moulée de La Graufesenque
Fig. 14.
Échantillon de
l’équipement
domestique de
l’habitat julioclaudien : quelques
marqueurs de haut
statut (dessins :
S. Dubois,
P. Famin,
G. Rousselot).
2010 2-52-02
2011 2-47-01
Lampe à huile lyonnaise
Céramique engobée de Lyon
2010 - 2-39-05
2009 - 2-32-01
2010 - 2-39-06
Terra nigra de Gaule Centrale
2010 - 2-39-06
Amphore vinaire grecque
Amphores vinaires italiques
2012 - XCbis-Cp6-05
2011 - 2-42-05
2011 2-80-03
2011 - 2-42-05
2010 - 2-49-05
0
5 cm
sauf estampille et lampe au 1 : 1
136
2010 - 2-49-05
2011 2-81-03
Fig. 14 : Echantillon de l'équipement domestique de l'habitat julio-claudien :
quelques marqueurs de haut statut (dessins S. Dubois, P. Famin, G. Rousselot)
Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012
du répertoire initial, lisse et moulé (Drag. 29a et
un même un tesson de calice Drag. 11, rarissime
dans la région). Différentes céramiques importées
sont également attestées : coupes et gobelets sablés
engobés de Lyon, gobelets sablés de Gaule centrale,
glaçurées plombifères, ainsi que de belles séries de
plats et de coupes « gallo-belges » champenois et
arvernes. Le mobilier amphorique témoigne également d’un haut statut et d’une adoption des pratiques alimentaires d’origine méditerranéenne : on
rencontre ainsi des amphores à huile espagnoles, et
des conteneurs à vin italique (Dressel 2/4) et probablement grec (tessons d’amphore rhodienne ?).
Signalons enfin les restes d’une lampe à huile engobée, de provenance sans doute lyonnaise.
Ce faciès dénote dans le contexte régional, par sa
variété et son degré de romanisation : les fouilles
et prospections menées dans le nord de la SeineMaritime montrent en général, au moins jusqu’au
milieu du er siècle de notre ère, un mobilier au caractère nettement plus traditionnel. Des équivalents
au mobilier du Bois-l’Abbé ne se rencontrent dans
le nord de la Gaule que sur des sites de haut rang :
en milieu urbain (Amiens, Bavay par exemple), sur
des sites ruraux à caractère aristocratique (Noyon,
Ablaincourt-Pressoir, Morvilliers-Saint-Saturnin),
voire sur les implantations militaires du limes rhénan.
Bilan des connaissances
sur Briga julio-claudienne
La campagne 2011 a remis en question la compréhension que nous avions des débuts de l’agglomération du Bois-l’Abbé. Il était jusqu’alors envisagé
que le sanctuaire constituait à l’origine le cœur
d’un site d’envergure spatiale assez limitée, avec
quelques constructions aux abords constituant un
hameau doté dès cette époque de quelques prérogatives administratives (émission monétaire à caractère micro-régional, présence présumée d’une petite
unité militaire notamment).
Une nouvelle image se dessine désormais, assez éloignée de cette hypothèse initiale. L’occupation julioclaudienne, à partir du milieu de l’époque augustéenne, se présenterait en effet comme un site déjà
étendu, couvrant environ 4 ha, et déjà très structuré : un secteur à vocation cultuelle avec la zone
de dépôts votifs et quelques bâtiments annexes, et
des zones vouées à des structures d’habitat et d’artisanat, modestes au plan architectural, mais forte-
ment romanisées à travers leur mobilier domestique.
Sanctuaire et habitat sont manifestement enserrés
dans un système défensif conçu « à la romaine »,
avec un large fossé qui ceinture une levée de terre
palissadée accessible au moins par une entrée en
clavicule. Actuellement seul un quart de la surface
interne a été fouillé (et les recherches ont surtout
porté sur la zone cultuelle). De même, seuls quelques
tronçons de l’enceinte ont été reconnus. L’image
qui se dessine reste donc à confirmer et à nuancer,
mais on peut envisager comme hypothèse de travail
l’existence, entre la dernière décennie avant notre
ère et les années 60-70/80, d’un « village fortifié ».
Il est difficile de proposer des comparaisons pour ce
type d’habitat au début de l’époque gallo-romaine.
Il semble toutefois que l’agglomération antique lingonne de Mirebeau-sur-Bèze ait pu présenter, dans
sa phase initiale, un aspect assez similaire : là également un réseau de fortifications de type romain
englobe le sanctuaire local d’origine gauloise et
un quartier d’habitations et d’artisanat (atelier de
potier), avec une zone isolée réservée au casernement de militaires (Barral, Joly, 2011). Peut-être
Vendeuil-Caply pourrait-il présenter un cas comparable également, avec, sur le Mont-Câtelet un
réseau fortifié augusto-tibérien qui enserre le sanctuaire et, d’après un sondage limité, des structures
denses liées à de l’habitat (Piton, 1993).
Vers une agglomération secondaire
plus conventionnelle…
L’habitat gallo-romain précoce semble donc volontairement arasé et nivelé, après un incendie au moins
partiel, sous le principat de Néron ou au début de
l’époque flavienne. L’intérieur de l’enceinte, au sud
du sanctuaire, paraît alors définitivement inoccupé5,
et ce jusqu’à l’abandon de la ville. Il est hautement
probable que ce secteur ait été transformé en « place
publique », hypothèse renforcée par la construction
d’un mur maçonné (XCII) au sommet de la levée
de terre julio-claudienne. Ce mur, actuellement
suivi à l’est sur plus de 200 m (avec des contreforts
internes réguliers), a également été reconnu au nord
sur un petit tronçon. Il semble avoir servi de mur
d’enceinte à cette grande place qui, au e siècle,
est l’un des éléments essentiels du forum de Briga,
avec le grand temple et la basilique (Mantel, 2006).
La « confiscation » en vue d’un usage public de la
surface interne de l’enceinte conduit à relocaliser
5 Aucune structure postérieure aux années 60-70/80 n’a été observée au sud de la basilique, que ce soit dans la vaste fouille en aire ouverte
ou dans les tranchées de sondages qui commencent à quadriller ce secteur.
137
Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé)
l’habitat à l’extérieur, dans des zones jusqu’alors
inoccupées en périphérie. Ce n’est donc pas un
hasard si les zones d’habitat actuellement dégagées
se développent précisément à partir de l’époque
flavienne, en lien avec la mise en place d’un qua-
Antiquité
drillage de rues. Cet ensemble d’aménagements
urbains nous semble relever de décisions à caractère
politique visant à jeter les bases sur lesquelles s’est
ensuite développée l’agglomération stricto sensu. 1
Bibliographie
B P., J M. (2011) – Le sanctuaire de Mirebeau-sur-Bèze. M. Reddé (dir), Aspects de la romanisation dans l’est de la Gaule.
Bibracte, t. 21, vol. 2, p. 543-555.
C J.-L. (1996) – La naissance de la villa en Picardie : la ferme gallo-romaine précoce. D. B, J.-L. C J.-L. – De
la ferme indigène à la villa romaine. Revue archéologique de Picardie, no special 11, p. 121-156.
D L.-P. (1984) – Les monnaies gauloises du Bois-l’Abbé (Eu, Seine-Maritime). Contribution à l’étude de la circulation monétaire
dans l’ouest du Belgium après la conquête romaine. Paris, Les Belles Lettres, « Annales littéraires de l’université de Besançon, 295 ».
M M. (1982) – L’inscription dédicatoire du théâtre du Bois-l’Abbé à Eu (Seine-Maritime). Gallia, fasc. 1, p. 35-51.
M E. (dir.) (1998) – Le sanctuaire de Fesques « Le Mont du Val-aux-Moines » (Seine-Maritime). Nord-Ouest archéologie, no 8.
M E., D S., D S. (2006) – Une agglomération antique sort de l’anonymat (Eu, « Bois l’Abbé », Seine-Maritime) :
Briga ressuscitée. Revue archéologique de Picardie, no 3/4, p. 31-50.
M E., D S. (2012) – Premier éclairage sur l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé, Seine-Maritime) : fenêtres
ouvertes sur un quartier d’habitation au nord-est du centre monumental. Journées Archéologiques de Haute-Normandie (Évreux,
6-8 mai 2011), Rouen, PURH, p. 151-160.
P B. (2009) – Formes et rythmes de la romanisation dans l’ouest de la Gaule Belgique. Pallas, 80, p. 317-350.
P D. dir. (1993) – Vendeuil-Caply. Nord-Ouest Archéologie, no 5.
138
Les auteurs
Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012
Les auteurs
ORGANISMES DE RATTACHEMENT RÉGIONAUX
Archéo 27
Maison des associations, 8 rue Jacques-Philippe-Bréant, 27300 Bernay
Centre de recherches archéologiques de Haute-Normandie (CRAHN)
Hôtel des sociétés savantes, 190 rue Beauvoisine, 76000 Rouen
Chronoterre Archéologie
115 rue Merlot, Zac La Louvade, 34130 Mauguio
Direction régionale des affaires culturelles de Haute-Normandie (DRAC)
Service régional de l’archéologie, 7 place de la Madeleine, 76000 Rouen
Éveha Normandie
34 rue du Marais, 14000 Caen
Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) Grand-Ouest
37 rue du Bignon, CS 67737, 35577 Cesson-Sévigné
INRAP – Centre archéologique de Haute-Normandie, 30 boulevard de Verdun, Immeuble Mermoz,
76120 Le Grand Quevilly
Mission archéologique départementale de l’Eure (MADE)
8 rue des Thermes, 27930 Le Vieil-Évreux
A Bruno
C Dominique
F Monique
INRAP Haute-Normandie
DRAC Basse-Normandie,
UMR 6566 du CNRS,
PCR Les premiers hommes
en Normandie
CRAHN
B Jean-Jacques
Département de préhistoire
du Museum national
d’histoire naturelle,
UMR 7194 du CNRSUSM 204 du MNHN
D Vincent
G Salomé
C Sébastien
MADE
Éveha
D Hélène
B Céline
INRAP Haute-Normandie,
UMR 7044
B Sandrine
MADE
C Paola
D Gilles
MADE
D Stéphane
INRAP Haute-Normandie
INRAP Grand-Est Sud,
UMR 7041 ArScAn
C Jean-Louis
D Gilles
Association Les vieilles pierres
259
MADE
Moniteur-allocataire,
EA 4081, université
Paris-Sorbonne, Institut
d’Art et d’Archéologie
B Magali,
INRAP Haute-Normandie
F Filipe
doctorante, UMR 8591
H Cécile
ATER, université Paris I –
Panthéon-Sorbonne, Institut
d’art et d’archéologie
J Laurence
INRAP Haute-Normandie
L Jean-Pierre (†)
L B Jean-Noël
Archéo 27
Archéo 27
C Christine
F Alain
L B Véronique
INRAP, UMR 8591
CRAHN
Archéo 27
Les auteurs
L-H Élisabeth
M Jimmy
V Pierre
INRAP Haute-Normandie,
UMR 6273
Université de Nantes,
UMR 6273
L M Jacques
N Charlie
Département de préhistoire
du Museum national
d’histoire naturelle,
UMR 7194 du CNRSUSM 204 du MNHN
CNRS (CRAHAM,
université de Caen,
UMR 6273)
L-L
Nicole
CNRS, UMR 8591
M Étienne
DRAC Haute-Normandie,
UMR 7041 ArScAn
M Cyril
INRAP Basse-Normandie,
UMR 6566-CReAAH
M Régis
Architecte en chef des
Monuments historiques
M Sylvain
R Élisabeth
INRAP Haute-Normandie
R-W Monique
CRAHN-SNEPH,
CIRTAI-UMR IDEES 6266,
université du Havre
R Caroline
MADE
R Caroline
INRAP Haute-Normandie,
UMR 7055
T Aminte
INRAP Haute-Normandie,
UMR 6273
INRAP Haute-Normandie
V Jean-Baptiste
M Jean-Marie
Doctorant, université
de Rouen, GRHIS,
CRAHAM UMR 6273
PCR Les premiers hommes
en Normandie
260
Chronoterre Archéologie
W Jean-Pierre
Archéologue honoraire du
Museum du Havre, CRAHN
et CReAAH, UMR 6566,
université de Rennes
W Pierre
MADE
W Pierre-Manuel
Étudiant, université de
Paris X-Nanterre
Ta b l e d e s m a t i è r e s
Journées archéologiques de Haute-Normandie – Rouen, 11-13 mai 2012
Table des matières
9
Dominique C, Jean-Pierre L (†), Jean-Jacques B, Pierre V,
Nicole L-L et Jean-Marie M
Les niveaux de base du site de Saint-Pierre-lès-Elbeuf (Seine-Maritime) : décapage du
toit de la nappe alluviale, du lœss intercalaire, du paléosol Elbeuf IV et des niveaux
immédiatement sus-jacents
17
Vincent D
Aubevoye (Eure), RD 65. Étude géoarchéologique d’un petit affluent de la Seine en zone
de confluence
33
Cyril M, Bruno A et Sylvain M
Au bord de l’eau ! Les fouilles du Port-au-Chanvre à Alizay et Igoville (Eure). Présentation
liminaire : méthodes, attendus, premiers résultats
47
Caroline R, Élisabeth R, Aminte T, Christine C et Salomé G
Le diagnostic de Porte-Joie (Eure) : 8 000 ans d’occupation révélés en vallée de Seine
67
Caroline R
Note sur les principales découvertes de la fouille préventive du site de Fleury-sur-Andelle
(Eure) « La Côte des Monts – collège Guy-de-Maupassant »
71
Monique R-W
Des Gaulois à la préhistoire : la (re)construction du passé ancien par les archéologues
haut-normands (1859 – début des années 1880)
83
Laurence J
Installation d’un artisan-boucher à Uggade au er siècle après J.-C.
93
Jimmy M
Le port romain d’Aizier (Eure) : principaux résultats de la campagne 2011
103
Sandrine B et Sébastien C
Le grand sanctuaire central du Vieil-Évreux (Eure). Résultats de la campagne 2011
113
Filipe F
Le théâtre du sanctuaire du Vieil-Évreux (Eure). Résultats de la campagne 2011
119
Cécile H
Le Vieil-Évreux (Eure) : les habitations de l’agglomération antique. Résultats de la
campagne 2011
125
Étienne M et Stéphane D
Aux origines de l’agglomération antique de Briga (Eu, Bois-l’Abbé, Seine-Maritime).
Fouille d’un quartier d’habitat d’époque julio-claudienne
261
Ta b l e d e s m a t i è r e s
139
Régis M
Le théâtre antique de Lillebonne (Seine-Maritime) : restauration et mise en valeur
143
Charlie N et Magali B
Val-de-Reuil (Eure), ZAC des Portes : la nécropole tardo-antique
157
Pierre W
Évreux (Eure). Le diagnostic de l’ancien hôpital Saint-Louis : une fenêtre ouverte sur
l’histoire de la ville
183
Jacques L M
Le monastère de Jumièges (Seine-Maritime) à l’époque carolingienne : recherches récentes
sur les églises Saint-Pierre et Notre-Dame
193
Jean-Baptiste V
Nouvelles données architecturales à l’abbaye Notre-Dame de Mortemer (SeineMaritime) : sondages dans l’infirmerie
213
Gilles D
Principaux résultats de la fouille préventive d’une partie de l’abbaye Saint-Taurin d’Évreux
(Eure), dans l’enceinte du couvent de la Providence (2010)
219
Jean-Louis C
Ivry-la-Bataille (Eure) : la Grotte du sabotier. Résultats de la campagne de fouilles 2011
223
Paola C
Localisation d’une tour d’entrée du château Bouvreuil à Rouen (Seine-Maritime)
227
Paola C
Les fortifications d’Harfleur (Seine-Maritime) : diagnostic archéologique complémentaire
237
Véronique et Jean-Noël L B, Gilles D
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262